A été dépossédée de tous ses biens par les mercenaires.
"Je veux que tu évolues dans la peur qu'en te retournant, tu me vois, prête à te châtier."
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À l'heure où j'écris ce post, j'ai un putain de torticolis qui s'est étendu à mon bras gauche. Putain que ça fait mal, cette saloperie !
Bref.
Bon, je suppose que dès lors que vous avez vu le titre et si vous vous rappelez avoir été indépendamment de ma volonté harcelé par un message avec beaucoup de questions dedans, vous saurez de quoi il en retourne.
Après avoir investi Skyrock et Wattpad que tout le monde ne connaît pas, ce qui les empêche de commenter comme ils en auraient envie, j'ai décidé de restituer ma fiction à son lieu de naissance...
NOTRE FOFO CHERI !
Donc, si vous avez passablement la flemme d'aller à chaque fois tout en bas de la page pour savoir où ça en est (d'autant qu'il va y avoir des commentaires je suppose (j'ai bien essayé de faire avec des spoilers mais ça veut PAS à cause des sautés de lignes (fricassée d- oh putain ma gueule))), vous pouvez vous référer à ceci 'v' ;
Statut de la fiction ; En cours d'écriture
Dernier chapitre posté ; Partie I - Chapitre 29
Chapitre en cours d'écriture ; Partie I - Chapitre 30
Mon inspiration ; Nyuh !
Temps pour écrire ; Ca va devenir compliqué...
Si vous souhaitez commenter ; https://eldarya-rpg.forumactif.org/t478-discussion-les-chroniques-blanches 8D
Liste des chapitres
(Histoire que vous vous fassiez une idée de ce qu'il va se passer 8D)
PROLOGUE
PARTIE I - BONJOUR, ELDARYA !
Chapitre 1 ; Sauvetage
Chapitre 2 ; Requête
Chapitre 3 ; Charité
Chapitre 4 ; Escorte
Chapitre 5 ; Les Valses d'Orlonde
Chapitre 6 ; L’œuf des Cerisiers
Chapitre 7 ; Un espoir de vie
Chapitre 8 ; Loévan
Chapitre 9 ; Un mélomane, un réfractaire et une furie
Chapitre 10 ; Sermon
Chapitre 11 ; L'examen des premières années
Chapitre 12 ; Premiers exercices et début des épreuves
Chapitre 13 ; Epreuves et tolérance
Chapitre 14 ; Rivalités, choix judicieux et cornéliens
Chapitre 15 ; Le bal inter-gardes
Chapitre 16 ; Brusque retour à la réalité
Chapitre 17 ; L'autre
Chapitre 18 ; Protections mutuelles
Chapitre 19 ; Quadrillage
Chapitre 20 ; Impressions
Chapitre 21 ; Les braises qui se ravivent
Chapitre 22 ; Remue-ménage !
Chapitre 23 ; Les mésaventures de Corticarte
Chapitre 24 ; Une évaluation physique
Chapitre 25 ; Selen de l'Obsidienne
Chapitre 26 ; Le Temple perdu
Chapitre 27 ; Au fond du gouffre
Chapitre 28 ; Collaboration fastidieuse
Chapitre 29 ; Creuser encore
Chapitre 30 ; Geste
Chapitre 31 ; Ascensions véritable et de sourires.
Chapitre 32 ; Coincés
Chapitre 33 ; L'école d'Eel
Chapitre 34 ; Un pouvoir exceptionnel
Chapitre 35 ; Lourds dégâts et conscience légère
Chapitre 36 ; Le manoir
Je vais pas vous dire que je ne veux pas de plagiat parce que j'ai confiance en vous et que considérant que je poste aussi sur la plateforme où il y a le plus d'abrutis recensés, c'est pas logique.
Je vous demanderai juste de ne pas vous taper la discut' sur ce topic °v° sinon je supprime vos posts (j'ai des pouvoirs de modos, m'voyez 8D /PAN/)
Sur ce... BONNE LECTURE MES P'TITS CHOUX !
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Prologue
Plusieurs fois je me suis demandé ce que je faisais là. Pourquoi j'étais là. Là ou ici, peut-être, mais pourquoi pas ailleurs ? Je me suis souvent demandé aussi qu'elle aurait pu être ma vie si j'étais dans ce ailleurs si lointain et en même temps si proche, quand on y repense. Ailleurs, c'est tout ce qui n'est pas ici. D'accord. Mais pour quelques centimètres d'écart, je veux bien admettre que je suis toujours dans la même situation. Je m'en suis posé, des questions. Elles ont toutes pris racine dans l'océan d'incohérences et de mystères dans lequel je me noie toutes les nuits quand j'essaie de retrouver qui j'étais avant. Voilà bien une question que je me suis souvent posée.
Qui étais-je.
Sans doute la question la plus récurrente. La plus compliquée aussi. Personne ne le sait. Personne ne sait qui je suis. Je suis une personne, une femme avec un nom ; Harya. Et c'est tout. Le reste, ce sont des hypothèses, des espoirs. J'ai l'air d'avoir la vingtaine, d'avoir de bonnes aptitudes physiques et magiques, mais leurs origines sont coincée quelque part à quelques lieues à l'ouest du néant et encore plus à l'est du « j'en sais rien ». Et ce grand espace de vide, c'est ma mémoire. Je suis ravie.
Ne rien savoir sur sa vie passée était grave, au début. Je suis tombée sur les opportunistes qui rêvaient leurs places dans ma vie, sur les bons samaritains trop insistants et les autres abrutis que j'avais bien fait d'oublier, si tant était que je les avais un jour connus.
Désormais, ça va mieux. J'ai reconstruit ma vie. Cela fait dix ans que je l'ai refaite. Je la vis tranquillement, ballottée entre les quelques missions que l'on veut bien me donner et les quelques incidents jamais trop graves qui surviennent de temps en temps. Enfin, ça, c'était jusqu'à la destruction partielle de notre salut à tous ; le Cristal. Depuis ce grand accident, nous autres les Gardiens sommes conviés à employer toutes nos ressources pour aider les plus démunis.
C'est comme ça que ça fonctionne, à Eel, ma terre natale. Ça aussi, c'est quelque chose que l'on savait sur moi. Cependant, cela a beau être moi, l'amnésique, il n'y avait pas que moi qui était à peine au courant de ma propre existence.
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PARTIE I ; BONJOUR ELDARYA !
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Chapitre 1er ; Sauvetage
- À droite ! À droite ! Défendez le village ! Hurlait le chef du plus important village de la forêt.
Déjà, tous les hommes autour de lui se pressaient et resserraient les rangs, même si leurs forces étaient bien maigres, même s'ils risquaient de tout perdre à vouloir défendre ce qu'ils avaient au lieu de fuir. Mais bon, à quoi cela servirait de vivre une vie où on avait perdu toute notre mise ? C'était dans cet état d'esprit bien pessimiste qu'hommes, femmes et même enfants de ce village tentaient de repousser leurs assaillants. Des gens qui étaient les mêmes qu'eux. La démence en plus. Dans la prison de feu créée par les intermittents de la raison, la bataille faisait rage et il ne faisait aucun doute qu'il y avait un camp beaucoup plus préparé que l'autre ; les attaqués étaient forcés de se reculer peu à peu, laissant les attaquant grignoter le terrain, au grand désarroi des premiers et au plaisir des autres. Quand tout semblait perdu, quand les villageois étaient prêts à capituler et à se rendre à la grande démone qui régissait le camp adverse, quelque chose de fabuleux se produisit ; le feu qui jusqu'alors ondulait, goguenard, autour du village où il calquait ses ombres couleur sang, se fit attirer dans une seule direction, phénomène tout sauf naturel. Il sembla se faire arracher de l'herbe cramoisie qu'il broutait depuis le début de l'attaque, avant de converger dans un seul endroit. Il se concentra alors en un point, à hauteur humaine, tandis que deux silhouettes sombres apparurent entre des nimbes ténébreuses qui venaient vraisemblablement de se dissiper. Il y avait un homme et une femme, tous deux arborant un éclat déterminé dans leurs regards respectivement violacés et nacrés. C'était la jeune femme qui avait attrapé et convertit le feu en une seule boule, tandis que l'homme avait dégainé deux dagues noires des étuis attachés à sa chute de reins.
- Quelle est la situation ? Demanda l'homme qui connaissait déjà la réponse. - Des Faerys fous, visiblement, répondit la jeune femme. Mettons-les hors d'état de nuire. - Forcément. Je vais me rapprocher des villageois.
Après ces quelques répliques, les deux intervenants remarquèrent qu'ils avaient capté l'attention de tout le monde. Amusés quoique pressés, ils se séparèrent rapidement. La jeune femme fit disparaître le feu entre ses mains et se mit à courir latéralement pour jauger la situation. Elle semblait se concentrer. Il ne faisait aucun doute que ses yeux entièrement blancs n'étaient pas faits pour voir, aussi les ennemis se mirent à railler la jeune femme. Cette dernière les laissa faire, les graciant d'un seul air blasé flanqué au visage. Puis, elle se retourna de trois quart, leur faisant dos.
- Attaquez, si vous l'osez.
Elle attendit que le premier ne la rejoigne. Le premier de cette course serait simplement le premier à mourir, une sorte de cadeau de bienvenue à ce gala sanglant. C'était parti.
Trente mètres.
Harya ferma lentement les yeux, son sourire naquit en même temps que son excitation. Il était maintenant temps de se concentrer davantage.
Vingt mètres.
Il fallait donc identifier l’ennemi, tant qu’on en avait le loisir. Un homme, vraisemblablement. La trentaine à tout casser. Son pas était lourd, signe qu’il n’était pas très agile. Ni véloce, d’ailleurs.
Dix mètres.
La jeune femme décida de quelle attaque elle allait lancer. Ce sera rapide. Il ne fallait pas non plus le tuer, ce n’était qu’un être incarné par la folie qui avait sans doute faiblit face au bazar de ce monde. Non… Juste lui donner une leçon de bienséance, histoire qu’il ne recommence pas ! On avait appris à Harya à agir en conséquence, avec ce menu fretin ! Et l’argument ne serait pas de l’ordre « Il ne faut pas frapper une fille »…
C’était l’heure de donner le jugement.
Harya, toujours les yeux clos, sentit grâce aux vibrations que l’homme avait bondi. Elle entendit ensuite une sorte de cri de guerre rauque, puis un bruit de lame, un chuintement caractéristique.
- C’est au couteau que tu vas essayer de m’abattre ?! Vociféra Harya en se retournant.
Harya avait pivoté en un demi-tour, tout en fléchissant les genoux. Derechef, elle agrippa de sa main gauche le poignet de l’homme au bout duquel une lame émoussée pendait. La jeune femme posa sa paume droite sur l’abdomen maigre de son adversaire et articula :
- Je vais te passer l'envie de jouer des mauvais tours.
Il y eut un bruit sourd et un éclat vif et rouge. L'homme eut un sursaut, le forçant à s'arquer davantage. Il venait de se prendre une décharge d'énergie à haute température. Le souffle coupé puis haletant, il n'eut guère le temps de se remettre de son baptême de feu qu'il se prit un coup de pied dans la joue de la part de son adversaire. Elle avait fait un nouveau tour sur elle-même pour lui asséner ce coup et c'était en terminant sa petite pirouette qu'elle conclut son mouvement. Elle entendit son ennemi heurter le sol, quelques mètres plus loin, ainsi que les râles d'hommes bafoués dans leur fierté qui allaient attaquer. Pourtant, ils n'en firent rien car ils s'effondrèrent dans un silence forcé, des aiguilles plantées dans leurs nuques. Harya entendit son chef de garde se frotter les mains, non sans emphase.
- Magnifique, Harya, la complimenta son chef. Un de ces jours, j'espère que nous danserons comme ça. Rien que toi et moi à bord d'une magnifique étreinte. - Onirique, l'étreinte parce qu'il n'y a que dans tes rêves que tu pourras y prétendre, Nevra, rétorqua Harya en esquissant un petit sourire.
Les deux se défièrent un instant du regard comme si tout était normal. Une fois assurés que les faerys fous étaient soit trop morts ou trop inconscients pour nuire à qui que ce fût, ils s'en retournèrent près des villageois pour jauger leurs états mentaux et physiques. Un homme, probablement le chef du village, se tourna vers eux et vint prendre leurs mains entre les siennes, encore fébrile à cause de tous les événements qu'il venait de traverser. Il tremblait légèrement et son ton laissait présager la grande gratitude qu'il nourrissait à l'égard des deux sauveurs, mêlée à une profonde anxiété.
- Merci, souffla-t-il hors d'haleine. Merci... - Nous n'avons fait que notre devoir, assura Nevra. - Sans vous, nous étions perdus. Comment avez-vous fait pour arriver aussi vite ? Tout s'est passé si rapidement, nous n'avons rien vu venir... - Pour cela, remerciez cette demoiselle, rétorqua le chef des Ombres en désignant Harya. Ses sens sont extraordinaires ; elle a senti la fumée et a ressenti les galops des animaux qui fuyaient, depuis le Château. Nous avons fait tout notre possible pour vous rejoindre à temps. C'est une mission réussie. - Merci...
Harya adressa un mince sourire à l'homme et serra sa main dans la sienne. Elle n'avait pas l'habitude d'être remerciée aussi généreusement et elle était un peu gênée mais elle avait sincèrement l'impression honorable d'avoir fait ce qu'il fallait. Toutefois, son sourire s'évapora rapidement lorsque celle-ci entendit un éboulement non loin de là où ils se trouvaient. Malgré le fait qu'ils avaient sauvé toutes les vies innocentes du village, ce dernier était en ruines. Rapidement, le manque d'aise de la jeune femme se propagea dans les rangs des civils qui commençaient peu à peu à s'affoler. Ils avaient presque tout perdu.
- Il faut faire quelque chose pour ces gens, murmura Harya à l'attention de son chef. - Je sais bien, répondit-il sur le même ton. Mais le refuge est pratiquement plein et on ne peut pas accepter cent personnes en plus.
Harya poussa un long soupir avant de poursuivre ;
- Quelle est l'étendue des dégâts ? On pourrait tenter d'éveiller la générosité des artisans. - En des temps pareils ? Je ne suis pas très optimiste. - J'ai remarqué, oui. - Harya... - Alors débloquons des fonds pour payer les artisans. On ne peut pas laisser ces pauvres gens comme ça et je sais que tu es d'accord avec moi.
Nevra n'essaierait même pas de feindre l'inverse ; c'était inutile et il le savait tous les deux. Dans l'idéal, le jeune chef de l'Ombre aurait tout mis en œuvre pour aider ces gens. Il aurait même travaillé pour les populations d'Eel qu'il voulait protéger, en dehors de diriger une Garde faite d'espions et d'autres professionnels de l'infiltration. Dans l'idéal, il aurait simplement fait cesser les combats et empêcher la destruction partielle du Cristal, cet extraordinaire joyau de vie. Nevra aurait bien voulu être un dieu à défaut de le feindre.
- Malheureusement, nous savons très bien tous les deux que la situation est bloquée. Nous ne pouvons pas entasser les gens dans les maisonnées du refuge. Il n'a pas été créé pour y faire vivre les autres dans des conditions insalubres. Il n'y a aucun moyen de faire accepter à Miiko le fait que des civils puissent investir le Quartier Général, ne serait-ce que les prisons. Les gens ne voudront pas forcément travailler pour eux, quand bien même les dégâts ne sont pas si importants que ça sur certaines maisons. - Les villages les plus proches ? Ils ne sont pas solidaires ? - S'ils l'étaient, ils seraient venus. Ils auraient eu le temps de venir, Harya... Largement. Mais ils ne l'ont pas fait.
Ce fut au tour de Nevra de soupirer tandis qu'Harya tournait la tête vers les villageois désolés, leur offrant une mine effarée. Il était impensable pour elle de les laisser ainsi.
- Je connais bien les gens du refuge, ils accepteraient peut-être de m'écouter, insista la jeune femme. - Pour leur proposer une chose pareille ? Souleva Nevra. Tu perdrais ton droit de visite auréolée de sourires, Harya. Tu le perdrais, lui. Ne joue pas à l'idiote. Nous allons en parler à Miiko. Nous pouvons au moins leur offrir un toit pour la nuit, ainsi qu'un repas. Si nous avons une missive officielle à porter aux villes alliées, les dirigeants seront plus enclins à accepter et leur envie de retrouver leur situation économique stable les feront travailler pour ce village. De ton côté, repose-toi bien ; il y a fort à parier que Miiko nous renvoie pour plaider leur cause dans d'autres villes. Nous savons ce qu'il s'est passé et ces gens traumatisés ne feront rien sans nous, si tu veux mon avis. Cela ne te dérange pas ? - Absolument pas.
Tout autour d'eux le silence s'était installé et les regards des villageois avaient convergé vers eux, comme si les mots « toit », « repas » et « plaider » avaient automatiquement capté leur attention. Harya et Nevra les regardèrent à leur tour et, avec l'air le plus rassurant qu'ils pouvaient leur servir, leur certifièrent qu'ils feraient de leur mieux pour leur redonner des conditions de vie décentes. Ils furent acclamés.
_______________________________________
Voici pour ceux qui n'avaient jamais lu le début, le début de ma fiction "v" Bon, aucun de vous n'apparaît pour le moment donc ça risque de moins vous passionner, mais je fais de mon mieux ö/ J'espère que ça vous plaît, au premier abord !
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Chapitre 2 ; Requête
Harya et Nevra venaient de franchir les grandes portes du refuge d'Eel bordé de remparts autour de l'imposant château blanc. Alors que les deux Gardiens ne faisaient même plus attention à la majesté de cet édifice qui brillait et semblait onduler au soleil, les villageois qui marchaient à leur suite ne purent s'empêcher de pousser des soupirs d'admiration. Nevra eut tout le loisir de les regarder lever leurs têtes et écarquiller leurs yeux au milieu de leurs visages ébahis, ce qui le fit sourire.
- Au moins, ils auront pu voir le château de près, s'auto-persuadait Nevra comme s'il pensait avoir fait une mauvaise action.
Ce qui était plutôt le cas. Depuis les récents accidents et les fréquentes apparitions d'un inquiétant individu qui ressemblait davantage à un diable qu'à quoi que ce fût de bonne augure, les portes du refuge n'étaient ouvertes qu'aux Gardiens devant partir de mission ou en revenir, ou aux quelques personnes triées sur le volet qui demandait l'asile. La situation n'avait plus à personne, pas même à celle qui avait initié cette règle mais c'était la solution la plus efficace pour éviter les débordements et les guérillas civiles. Certainement pas une centaine de personnes d'un coup. D'ailleurs, cette même centaine de personnes ne passait pas inaperçue ; piquée sévèrement par les regards acerbes ou curieux des Gardiens ou autres réfugiés croisés, celle-ci devait également subir des messes basses ou autres blâmes allant du « c'est le début des ennuis » ou « pourvu qu'ils disparaissent rapidement d'ici ; Elle ne voudra pas d'eux de toute façon ». Ce « Elle » déifié, c'était Miiko, la Kitsune a la tête du système des gardes d'Eel. Une femme forte sous tous les rapports qui savait imposer ses décisions et réfuter les autres. Déterminée et inflexible, elle était la majeure partie du temps le plus grand obstacle à l'obtention d'une liberté ou d'une requête importante. Tomber dans ses bonnes grâces était devenu une sorte de but ultime pour beaucoup de Gardiens, bien que beaucoup s'accordaient à dire que c'était vain. Pourquoi ? Se référer à la liste d'adjectifs la caractérisant. Déterminée. Inflexible. Autoritaire. Forte. Effrayante. D'ailleurs, Harya et Nevra ne tardèrent pas à sentir son regard fielleux sur eux. Le jeune homme releva la tête et plaça sa main devant ses yeux pour les protéger du soleil. Elle était là, dans le château, près de la grande baie vitrée de la salle du cristal dans laquelle elle passait la plupart de son temps. Cette dernière ferma lentement les yeux et Nevra avait déjà compris que cela allait être compliqué. Il n'eut pas vraiment le temps de réfléchir davantage qu'il croisa la route de Chrome, un jeune loup-garou de sa garde. Le garçon était piqué devant le cortège, ce qui en força l'immobilisation. Il avait les bras croisés et tapait du pied, visiblement frustré.
- Tu vois, Nevra, commença-t-il, on était en train de discuter. - Tu me rabâchais les oreilles avec tes péripéties à deux pièces d'or, rectifia le Chef. - On discutait, répéta Chrome. Je te racontais mes fantastiques actions de la journée mais t'as fini par simplement disparaître. C'est assez frustrant. - Il y avait urgence, Chrome. - Je vois ça. Qu'est-ce que vous faites avec tout ce monde ? C'est un cortège nuptial ? - J'aimer- - Nous venons de les sauver, répondit Harya après avoir flanqué sa main sur la bouche de Nevra dans un claquement magistral. Il faut que nous allions parler à Miiko. - Elle est de très mauvaise humeur, les informa Chrome. Alajéa et Ykhar ont trouvé le moyen de lâcher un objet du haut des escaliers vers la cave. Du coup, elles ont perdu un fruit sélénite, Ykhar n'a pas trouvé mieux à faire que de claquer une crise d'angoisse et Alajéa, comme une imbécile heureuse, attend que l'objet remonte les marches.
Harya se frappa le front avec sa main libre. Ces deux jeunes filles étaient des cas désespérés. Très compétentes dans leur domaine, mais surtout très gauches. La jeune femme fut tirée de ses tergiversions par la sensation désagréablement humide à l'intérieur de sa main qui empêchait Nevra de parler. Elle dégagea rapidement sa main en comprenant ce qu'il venait de faire, avant de l'éloigner de lui comme une pauvre petite chose sans défense, désormais souillée.
- Espèce de dégueulasse ! S'écria Harya, outrée. - Tu m'empêchais de parler, mais sache que tu as un goût particulièrement dél- - Stop ! Interrompit Chrome. Je n'ai pas envie d'en entendre davantage venant de ta bouche, Nevra. J'ai très envie de te voir te faire disputer par Miiko. Laissez-moi vous accompagner.
Nevra maugréa. Il passa rapidement sa main gauche dans le bordel capillaire noir qui lui servait de chevelure en soufflant, un sourire narquois fichu aux lèvres, avant de reprendre la route vers l'entrée du château. Une fois arrivé, il intima au groupe de villageois de les attendre ici et il embarqua Chrome et Harya à sa suite. Ils traversèrent le hall bondé comme d'habitude pour rejoindre la salle du cristal. En quelques enjambées et marches montées, ils arrivèrent près de Miiko qui leur faisait dos. La jeune femme aux cheveux bleutés garda le silence un moment même s'il ne faisait aucun doute qu'elle savait les trois proches d'elle. Elle resserra sa main autour de son bâton d'invocatrice puis poussa un soupir.
- Je n'ai même pas la force de crier, avoua la renarde. Je sais ce que vous voulez et vous savez ce que je vais vous répondre. Alors pourquoi insister ?
Elle se retourna et confronta son regard si étrange à ceux d'Harya et de Nevra.
- Il est tout à fait honorable de les avoir sauvés mais qu'est-ce que nous pouvons faire ? - Nous avons déjà réfléchi aux options, Miiko, informa Nevra. - Ah vraiment ? Parle. - Laissons-leur la journée pour se reposer et de se remettre de cette attaque. Miiko, ils ont été attaqué par les Faerys de cette foutue démone.
Cette révélation fit fermer les yeux à Miiko. En cet instant, la Kitsune semblait en proie à un profond agacement, ou à de la tristesse. Cette situation, déjà répétée, était infernale.
- Des victimes ? - Seulement de l'autre côté, rapporta Harya. Nous sommes arrivés à temps. Seulement, les habitations ont été pour la plupart saccagées. Le feu a eu raison des maisons les plus vétustes. - Que préconisez-vous ? - Un repas et un toit pour ce soir seulement, demanda Nevra. Demain, nous partirons avec une missive officielle rédigée de ta main vers nos villages alliés. Ils ne pourront pas te refuser le droit d'asile de ces gens. Puis l'idée de reconstruire leur village pour retrouver leur tranquillité devrait traverser leurs esprits d'elle-même.
Miiko souffla puis rouvrit les yeux. C'était une perspective trop peu envisageable. Pourtant, malgré sa sévérité, elle était tout bonnement incapable de laisser des gens livrés à eux-mêmes de la sorte.
- Chrome, appela-t-elle. Fais venir Leiftan, Ezarel, Valkyon et Keroshane. Harya, tu peux disposer. Nous allons avoir une discussion.
Les deux Gardiens de l'Ombre opinèrent du chef et, après une brève inclinaison de la tête en guise de politesse, ils quittèrent la pièce. Nevra resta, comme de raison.
- Je te remercie, Miiko, avoua-t-il. - Rien n'est fait, rétorqua la jeune femme. Nous n'accepterons ces villageois que si nous le pouvons. N'oublie pas que la situation est précaire et que nous luttons tous les jours pour ne pas trop rationner les habitants. Ces villageois vont représenter un gouffre dans nos réserves et ça, tout le monde le sait ! Je ne veux pas être spectatrice d'une quelconque forme de ségrégation. Je vais devoir employer des Gardiens de l'Obsidienne pour assurer leur défense, tout ça à cause de cette saleté qui profite de la faiblesse des autres ! - Je n'ai jamais compris pourquoi tu restais aussi passive à son égard, Miiko. - Parce que je n'ai pas le choix. La rechercher prendrait des mois et beaucoup trop d'effectif ! S'il n'y avait que cette folle à s'occuper, crois-moi, ce serait déjà fait ! Mais nous devons surveiller ce cristal ! Nos troupes ne peuvent être partout, Nevra, alors je te prierai de rester à ta place. Ou de proposer une meilleure solution mais tu n'en as vraisemblablement pas. Alors tais-toi.
Nevra se renfrogna, bafoué. Il détestait être ainsi réduit au silence, quand bien même c'était la grande patronne qui le lui imposait. Il n'eut pas le temps de la tuer dans son imagination car déjà les trois hommes demandés par Miiko arrivaient. Le premier à prendre la parole fut Ezarel ;
- J'espère que c'est important car votre soi-disant urgence me force à laisser Luanore seule dans la salle d'alchimie ! - Va à la fenêtre et vois si c'est suffisamment important à tes yeux, l'invita Miiko.
L'elfe alchimiste ne se fit pas prier. Il s'avança rapidement vers la fenêtre et regarda la population qui s'étendait en-dessous. Il fronça les sourcils, mimique qui n'échappa pas à la chef de la Garde Étincelante.
- Les Faerys fous, commenta-t-elle. - Encore ? Releva Valkyon. - Malheureusement. Il nous faut absolument endiguer ce fléau, nous ne pouvons plus vivre avec ces mécréants aussi proches de nous. - Cela fait longtemps que je suis pour cette méthode, rappela Nevra. - Nevra ! Tu pourras me le répéter encore et encore, cela ne changera rien ! S'emporta la renarde. Oui, nous devrions agir mais non, nous n'avons pas les ressources nécessaires !
Nevra croisa les bras, très mécontent. Cette situation le désespérait au plus haut point. Miiko était, quant à elle, complètement désarçonnée et cette oisiveté était ce qui agaçait le plus le chef des Ombres. Pourtant, une fois de plus, il avait simplement le droit de la fermer.
- Pourquoi nous as-tu convoqués, alors ? Reprit Keroshane le plus calmement possible. - Nevra et Harya sont ceux qui ont vu la catastrophe venir et ils ont sauvé les villageois. Je leur en suis très reconnaissante mais le fait est qu'il faut désormais réfléchir à une réaffectation de cette population le temps que leur village soit refait. Nevra a donc proposé que nous les envoyons dans les villes alliées les plus proches pendant ce temps. - Peut-être même qu'ils proposeront d'eux-même la reconstruction du village, appuya Nevra. - Cela ne m'a pas l'air sot, acquiesça Leiftan. Quand comptez-vous faire ça ? - Demain serait l'idéal. Les villageois sont encore sonnés par les événements, ils ne pourront pas marcher toute une journée. - Nos ressources ne sont pas infinies, Nevra, rappela Valkyon. Nourrir ces gens est dans la logique des choses mais nous ne pouvons pas fournir plus que ce que nous possédons. - Nous avons des réserves. - Elles servent à l'hiver ! - L'hiver précédent était doux, nous sommes au printemps ! Nous pourrons refaire nos réserves. De toute façon, ce qui ne sera pas consommé sera jeté alors autant que cela soit profitable aux autres, décida Ezarel. Je serais moi-même incapable de me priver de manger, je n'ai aucun droit d'infliger ce supplice aux autres.
Miiko soupira.
- C'est décidé, donc... - Débloquons les réserves, appuya Keroshane. Miiko, toi-même, tu le sais ; on ne peut pas abandonner ces gens. Tu en es tout bonnement incapable alors ne te torture pas davantage ; tu prends la bonne décision.
Miiko hocha la tête avec lassitude et donna les nouvelles directives. Rapidement et à l'aide des Gardiens présents, un important dispositif de soutien aux sinistrés fut mis en place. Même les réfugiés d'Eel, quand ils apprirent que ce n'était que l'affaire d'une nuit, acceptèrent de céder quelques couchages chez eux afin que les autres puissent passer une bonne nuit. Peu importait que ce fût par pure générosité ou simplement pour s'assurer que les nécessiteux seraient assez forts pour le voyage du lendemain, ils allaient tous êtres logés, pour le plus grand bonheur de tous.
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Chapitre 3 : Charité
Il fut effectivement décidé que Harya et Nevra, fortement loués par les habitants, feraient partie de l'escorte des villageois qui aurait lieu le lendemain. Chrome avait réussi à obtenir sa place dans la mission par d'adroits stratagèmes – il avait surtout promis un caractère exécrable dans le cas contraire – et se réjouissait déjà à l'idée d'une mission passée aux côtés de son chef. Même si l'affaire était relativement minime par rapport aux missions que les chefs et autres pionniers des gardes faisaient habituellement, il fallait avouer que faire une mission avec Nevra était un beau sujet à vantardise. Cependant, l'heure était à la bonne ambiance pour Harya et Chrome qui s'étaient retrouvés à la taverne du refuge. L'adolescent avait insisté pour obtenir cette entrevue avec la jeune femme car malgré ses airs assurés, il voulait être bien sûr de ne pas tout faire rater et d'être bien vu par Nevra et comme lui demander directement était synonyme d'échec à l'avance, il avait préféré se reporter sur la demoiselle. Elle n'y avait évidemment vu aucun inconvénient et avait juré sur l'honneur que Nevra n'en entendrait jamais rien. Satisfait, Chrome avait décidé de lui payer sa boisson favorite ; la liqueur à l'orange.
- Merci, lança Harya à l'attention du tavernier quand elle fut servie.
Chrome aussi avait commandé une boisson à l'orange. Sans la liqueur, dedans, bien sûr.
- Alors, je t'écoute, assura la jeune femme. De quoi veux-tu me parler ? - De la mission de demain, avoua Chrome. - Tu es un peu anxieux, n'est-ce pas ? - C'est la première fois que je pars avec Nevra. Je voulais te demander comment ça se passait. Hier n'était pas votre première mission tous les deux et je sais que votre duo fonctionne donc... Comment tu fais ? - Sache déjà que demain, ce n'est qu'une mission d'escorte qui devrait se dérouler sans embûche, à moins que les servants de la démone ne repointent le bout de leur nez. Il faudra protéger les villageois mais tu ne seras pas seul. Tu as déjà fait des missions alors la présence de Nevra ne change pas grand chose. Tu vas sûrement être placé sous les ordres de quelqu'un car tu es la plus jeune recrue parmi ceux qui seront présents, dans tous les sens du terme. Obéis à cette personne et à Nevra et tout devrait bien se passer. - Je n'ai jamais fait ce genre de missions. - Considère que cela forge l'expérience. C'est une bonne chose que tu sois si entouré pour une mission d'escorte de cette ampleur. Mais ne relâche pas ta vigilance.
Chrome opina du chef, ravi des quelques conseils d'Harya, bien que ceux-ci paraissaient évidents. La demoiselle porta sa coupe d'alcool à ses lèvres qu'elle humecta longuement avant de boire. Elle remercia Chrome pour l'invitation. La taverne avait rarement été aussi animée et ce n'était pas pour déplaire à ceux qui travaillaient ici. Les villageois sinistrés avaient finalement réussi à se mêler aux autres réfugiés contre toute attente et l'ambiance était au beau fixe. Certains chantaient des chansons de leur enfance, une choppe en main, sans jamais céder sous l'emprise fallacieuse de la boisson. Les serveurs semblaient débordés mais étrangement ils arrivaient à trouver cette charge de travail agréable, pour une fois. Peut-être que les sinistrés s'étaient tout bonnement rendu compte de l'effort que leur acceptation temporaire demandait et ils avaient décidé de les indemniser en bonne humeur et en tournées. Les portes de la taverne s'ouvrirent de nouveau, cette fois sur Nevra. Si sa venue suscitait les applaudissements des sinistrés qui ne se remettaient visiblement pas de leur sauvetage, Chrome, lui, voyait sa couverture voler en éclat. Le chef remarqua ses deux subordonnés rapidement et s'avança vers eux. L'adolescent se voyait déjà se payer la plus belle honte de sa vie tandis que le jeune homme prenait place à côté d'Harya.
- C'est rare de vous voir siroter un verre ensemble, tous les deux, annonça-t-il, qu'est-ce que vous faites ? - Eh bien, commença Chrome, je... - Qu'il y a-t-il de mal pour deux collègues de prendre un verre ensemble ? Serais-tu jaloux ? Le provoqua Harya. - Ne joue pas là-dessus, conseilla Nevra avec un mince sourire. Tu devrais savoir de quoi je suis capable.
Harya préféra ne pas répondre, non pas parce qu'elle avait peur de Nevra mais parce qu'il serait dommage de partir dans de grands discours pour si peu. À la place, elle préféra qu'il boive un coup avec eux et ce fut elle qui paya la seconde tournée. Bien sûr, il n'y avait pas que des réfugiés dans la taverne et les quelques gardiens présents, ou plutôt les gardiennes, avaient un problème avec la proximité qu'il y avait entre Nevra et Harya. Il y avait toujours ces sempiternelles jalouses qui avaient vu en un regard de Nevra les prémisses d'une relation absolument divine et qui, par conséquent, considéraient Harya comme un obstacle au temps qu'elles pouvaient passer pendues aux bras de leur si cher Nevra. Pourtant, le jeune homme ne s'était jamais stabilisé avec quelqu'un et il ne comptait pas le faire avec Harya. C'était un sentiment réciproque. Ils étaient d'excellents amis et ce depuis qu'ils se connaissaient, ce qui correspondait à la bagatelle d'une dizaine d'années. Du point de vue d'Harya, elle avait grandi avec cet homme et cet attachement réciproque avait été l'argument principal pour son vœu d'intégrer la Garde de l'Ombre. Fort heureusement, elle y était arrivée. De toute façon, au vu de ses facultés, il avait été impossible de l'imaginer dans une autre garde que celle-ci. Ses sens décuplés par la perte de la vue étaient des atouts majeurs pour une éclaireuse mais de grands inconvénients au maniement de l'alchimie aux yeux d'un Ezarel très méticuleux. Quant à sa force physique, elle était bien insuffisante pour satisfaire Valkyon, quand bien même elle était une redoutable adversaire au corps-à-corps grâce à son agilité. Toutefois, si jamais elle se faisait toucher, sa faible stature ne lui permettrait pas de continuer un affrontement ce qui était pourtant l'un des principaux prérequis pour être envoyé en avant du front.
Pour en revenir aux jalouses attablées un peu plus loin qui jetaient des regards fielleux à Harya, elles semblaient être complètement hermétiques à l'ambiance bonne enfant qui régnait dans la taverne. Il fallait dire qu'elles avaient de quoi envier Harya. L'amitié et la confiance de Nevra étaient très difficiles à obtenir et même si les deux jeunes gens n'étaient pas amants, le lien qu'ils entretenaient était rare. Et Nevra avait un autre argument décisif. Il était magnifique, aux dires populaires. Harya n'en avait cure, à vrai dire. Elle ne vivait pas pour le regard des autres et avait décidé qu'elle ferait ce qui lui plairait de faire et deviendrait amie avec ceux avec qui elle s'entendait bien si les deux partis le souhaitaient. Jamais il n'avait été question de considérer les avis des tiers. De toute façon, il y avait toujours des insatisfaits.
- Ne vous saoulez pas trop, lança finalement Chrome. Sinon, demain, vous ne servirez à rien en mission. - Dixit le gamin qui ferait mieux d'aller se coucher, nargua Nevra. - Je ne suis pas un gamin ! - Non ?
Chrome fulminait. En deux répliques, Nevra avait réussi à l'énerver, comme d'habitude. Harya eut un soupir presque amusé avant de quitter le comptoir. Elle déposa quelques pièces d'or sur le bois, ainsi qu'un doux « gardez la monnaie » avant de prendre congé auprès de ses deux camarades. Elle leur intima de ne pas traîner et finit par quitter la salle en silence. Nevra et Chrome la regardèrent partir avant que le premier ne soit assailli par les éperviers qui avaient attendu le départ de la blanche. Il se laissa aborder tandis que Chrome qui ne désirait pas en voir davantage partit à son tour.
Dehors, Harya marchait tranquillement, appréciant la fraîcheur de la nuit. Tandis qu'elle marchait vers le château blanc, elle ferma les yeux et laissa ses autres sens s'enivrer du calme environnant. Les herbes sifflantes entonnaient une charmante mélopée sous la force du vent et les feuillages racontaient des merveilles dans une autre langue. Certaines, avides d'aventure, voletaient et créaient ça et là des tourbillons harmonieux. Les vêtements toujours très travaillés que portait Harya ondulaient aussi, épousant les caresses du vent. La jeune femme se laissa emporter par ces forces naturelles un instant et un sourire naquit sur ses lèvres vermillon. Elle écarta les bras et son manteau s'engouffra dans les interstices entre son corps et ses membres, la transformant en oiseau prêt à s'envoler. Pourtant, le seul envol possible pour elle, cette soirée-là, c'était vers le monde des rêves. Alors elle arrêta sa danse secrète avec la nature et entra dans le château pour rejoindre sa petite chambre. Elle ouvrit la porte en silence et la referma derrière elle. Elle alluma une lampe à huile par sa simple volonté et laissa la petite flamme combattre l'obscurité. Pendant ce temps, la jeune femme se défit de son haut sans manche rouge foncé et gris, ainsi que de ses bottes et ses bas de la même couleurs et de ses jupons latéraux qui révélaient ses jambes et une jupe blanche. Elle quitta enfin son gant qui ornait sa main et son bras droits. À la place, elle passa une robe de nuit carmin et se glissa rapidement dans ses draps froids. Elle alla se lover dans les bras de Morphée.
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A été dépossédée de tous ses biens par les mercenaires.
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Chapitre 4 : Escorte
- Eh bien, ce n'est pas trop tôt ! Clama Nevra en levant les bras au ciel.
Première seconde passée ensemble et déjà Nevra reprochait quelque chose à Chrome. Ce dernier, contrairement à ses dires de la veille, était peut-être le gamin décrit par Nevra car incapable de concilier les soirées et les levers à l'aube. L'adolescent arrivait en courant en criant déjà qu'il était désolé mais ça, le chef des Ombre n'avait pas très envie de l'écouter. Il se contenta de lui frapper doucement l'arrière du crâne quand il arriva à son niveau puis il se tourna vers les habitants qui attendaient patiemment le début de la marche. Harya arriva auprès de Nevra ; elle venait de faire les comptes. Tout le monde était là et elle ne tarda pas à en faire le rapport à son chef. Ce dernier hocha la tête, satisfait. Ils allaient pouvoir partir rapidement et finir cette mission au plus vite. Même si le jeune chef avait lutté pour faire obtenir la missive officielle et donc la presque assurance que les habitants seraient sauvés, cela n'en restait pas moins une mission peu palpitante pour lui. Il avait été davantage habitué aux expéditions beaucoup plus longues et durant lesquelles le combat était pratiquement assuré. Ce n'était pas tant qu'il était un sauvageon avide de baston mais beaucoup de gardiens s'accordaient à dire que c'était encore ce qu'il y avait de plus excitant.
Nevra régla quelques détails sur la stratégie à adopter avec d'autres de la garde. Il y avait deux Obsidiennes qui étaient venus, ainsi qu'une membre de l'Absynthe pour respectivement tabasser les ennemis et soigner les blessés éventuels. La formation allait être somme toute classique. Harya prendrait les devants avec un Obsidienne tandis que Nevra et le second membre de la garde de Valkyon surveilleraient l'arrière. Au centre du cortège, le membre de l'Absynthe et Chrome s'assureraient qu'il n'y ait pas de cohue et que rien n'essaierait de charger le groupe en plein milieu.
- Est-ce que cela vous convient ? Demanda finalement Nevra. - C'est toi le chef, répliqua le plus grand des deux Obsidienne. - Je sais que je suis assez doué mais j'aimerais m'assurer que j'ai votre aval. L'individualisme ne servira à rien ici. - Cela nous convient, répondit la fille de l'Absynthe. - Parfait, alors nous partons.
Tous hochèrent la tête sans broncher et ils rejoignirent leurs places avant que le groupe ne se mette à se mouvoir. Miiko avait absolument tenu à surveiller le départ, aussi elle se trouvait perchée sur les remparts en compagnie de Jamon et les observa jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans la forêt. Les habitants, pas du tout contrariants, marchaient tranquillement en discutant avec leurs voisins. Les enfants étaient le plus souvent postés sur les dos de leurs parents pour éviter les éternels « j'ai mal aux pieds ! ». Les bambins étaient tellement ravis d'être plus grands que tout le monde qu'ils en oubliaient même de demander quand est-ce qu'ils arriveraient. Les Gardiens avaient estimé la durée de marche entre Eel et Orlonde, la ville qu'ils voulaient rejoindre, à six heures de marche soutenue sans pauses. Évidemment, cela signifiait qu'étant partis à huit heures, ils arriveraient sans doute seulement à seize heures à destination en prenant en compte la fameuse pause déjeuner et tous les petits désagréments et autres bobos qui pourraient arriver. À l'avant du cortège, il y avait deux enfants qui tournaient autour des deux Gardiens de tête, mais surtout autour d'Harya dont l'apparence avait de quoi fasciner.
- Pourquoi tu as les cheveux blancs ? Demandait l'un. - Ça, je me le demande, répondit Harya avec un petit rire. - Et tes yeux ! Ils sont blancs depuis ta naissance ? - Je suppose...
Le gardien de l'Obsidienne était plutôt amusé par l'engouement que procurait Harya sur les plus jeunes. Mais il y avait autre chose aussi ; elle savait y faire. Elle ne perdait pas patience et répondait avec une voix légère, comme pour chasser toute la menace qui la caractérisait quand elle était sur le champ de bataille.
- N'empêche, je n'aurais jamais cru faire un jour une mission avec toi, Harya, avoua l'homme. - Ah bon. - Tu n'es pas le genre de personnes qui fait des missions en équipe. - Non, en effet. Disons que les coéquipiers sont des variables un peu trop... variables, justement ? Je ne peux pas m'assurer de ma propre santé, de celle de ceux que je dois protéger et de celle de mes coéquipiers en prime. Si je n'ai absolument pas le choix, je pars en équipe et je fais de mon mieux mais dans l'idéal je préfère travailler en solo. La mission d'aujourd'hui ne laisse pas la place au doute ; j'ai besoin de coéquipiers, cette fois. - C'est vrai. Cela aurait été bien vaniteux de ta part que de penser le contraire. - Ne m'attaque pas, ça ne sert à rien. Je n'ai pas la vanité que tu décris.
L'homme se renfrogna, appréciant peu l'idée de se faire remettre à sa place de la sorte. Dans d'autres circonstances, sans doute l'aurait-il attaquée encore mais elle était son aînée, il y avait Nevra et une mission à accomplir ; tant de facteurs qui protégeaient la jeune femme plus qu'elle ne le pensait sans doute.
Après les quatre premières heures de marche, les estomacs commencèrent à rappeler leurs existences et que manger était indispensable. D'un commun accord, les gardiens déclarèrent l'heure du repas et cette déclaration fut suivie de hourras. Rapidement, les habitants s'installèrent dans les herbes et les repas furent passés, à la grande joie des porteurs qui voyaient leurs charges diminuer. Bien sûr, Miiko avait décidé que pour faire valoir leur requête, il fallait au moins apporter un petit cadeau et, pour se faire, elle avait cédé quelques denrées de plus. Rien que d'y repenser, cela fit sourire Nevra.
- Maudite soit-elle, ricana-t-il à mi-voix.
Le repas était assez sommaire. Des féculents pour que cela tienne bien au corps, de l'eau, une pièce de viande bon marché. Ce n'était pas un festin mais cela serait suffisant et personne chez les sinistrés n'oserait dire quoi que ce fût. Manger leur prit vingt minutes et Nevra accorda quelques minutes supplémentaires pour que les gens reposent leurs jambes. Pendant qu'ils discutaient joyeusement et espéraient une vie meilleure dans les villes, les six gardiens surveillaient assidûment les alentours. Chrome était ravi et cela se voyait mais pour une fois, il restait concentré et auprès de la gardienne de l'Absynthe. Harya s'était quant à elle séparée de son acolyte pour respirer un peu. Il ne fallait pas rêver, après avoir perdu une bataille, il n'avait pas renoncé à la guerre et la jeune femme avait dû supporter pendant la dernière heure le tas de répliques qui se voulaient acerbes mais dont elle n'osait pas encore blâmer le ridicule. Elle faisait tranquillement le tour du groupe et, quand elle arriva au niveau de Nevra, elle lui demanda directement en pointant son camarade qui leur faisait dos ;
- Tu ne veux pas te coltiner ce gars-là, à tout hasard ? - Des problèmes ? S'amusa le jeune homme.
Déjà elle sentait son regard narquois posé sur elle.
- Il est insupportable, avoua-t-elle. - Je sais, oui. - Pourquoi me l'avoir refourgué, alors ? - Parce c'est drôle ?
Harya fronça les sourcils.
- Si vous n'étiez pas mon chef, Nevra, je jure que je vous frapperais. - Ne prends pas cet air guindé avec moi ! Et puis ce serait dommage que tu me frappes, j'aurais à te punir en conséquence, menaça-t-il d'une voix mielleuse. - Tu me blases. - Bon. On n'a qu'à placer les deux obsidiennes ensemble. Comme ça, toi et moi, nous serons tous les deux à l'arrière, sans personne pour nous v- - Arrête !
Nevra éclata de rire.
- Tu es trop mignonne quand tu t'énerves. Bien que tes joues semblent incapable de virer au rouge, je sens que tu as le feu aux joues. - Tu rêves que j'aie le feu aux joues, rectifia Harya. Je pense que je vais continuer de supporter l'autre.
Nevra ne put s'empêcher de sourire. Il sauta habilement du rocher sur lequel il était assis et passa à côté d'Harya, tapotant amicalement son épaule au passage.
- On ne peut pas changer la formation mais je vais dire à ton camarade qu'il va passer avec moi. Cela te conviendrait ? - Merci.
Les deux Ombres se séparèrent alors, Harya continuant sa ronde, Nevra feignant d'en faire une pour finalement rejoindre l'homme de l'Obsidienne. Le chef des Ombres avait beau porter Valkyon en grande affection, il avait toujours eu du mal avec la belle poêlée de fiers à bras qui constituait sa garde. Bien sûr, il n'y avait pas que ces êtres détestables et il existait de véritable perles dans cette garde mais le ratio ne jouait pas en la faveur de son ami aux cheveux argentés. Nevra pensait même que la dernière place du classement mensuel attribuée systématiquement à cette garde n'avait pas d'autres coupables que ces gens-là.
- Ajrarn, appela Nevra en s'approchant de l'Obsidienne.
L'homme à la carrure imposante se tourna vers Nevra lentement, comme s'il savait déjà ce qui l'amenait.
- Je ne lui parlerai plus. - Je sais, puisque tu vas échanger ta place. Tu vas aller à l'arrière avec moi. - Pourquoi ? - Ne te frotte pas à elle, c'est tout. - Et pourquoi tu la défends comme ça ? Écoute, on connaît tous votre attachement mutuel mais ça en devient dangereux. Elle n'a aucun passe-droit. J'ai le droit de la charrier si j'en ai envie. Si elle le prend mal, c'est son problème. - Et parce qu'elle le prend mal et que cela pourrait nuire à la cohésion du groupe, ça va devenir mon problème aussi. Tu vas à l'arrière avec moi. Compris ?
Grognement de la part d'Ajrarn. Il finit par hocher légèrement la tête et partit vers son camarade de l'Obsidienne pour l'informer du changement de place. Nevra observa attentivement leur échange et en conclut que l'autre était beaucoup plus enjoué par sa nouvelle affectation. Le chef de Garde espérait juste que ce n'était pas simplement parce qu'il allait se retrouver auprès d'une magnifique jeune femme qu'il arborait son sourire. Finalement, l'ordre de reprise fut lancé et tous les habitants se réorganisèrent rapidement. Ils repartirent dans la discipline. À l'arrière, Nevra était aux aguets. Il n'était pas vraiment confiant concernant la mission. Une horde de faerys déments était bien vite arrivée et il voulait absolument éviter ce scénario. Du coup, il avait décidé de séparer les groupes de gardiens afin de mieux encadrer le groupe, pour le plus grand bonheur d'Harya qui supportait de plus en plus difficilement les membres de la garde d'Obsidienne. Le chef des Ombre réfléchissait le plus rapidement possible. Pour le moment, il ne sentait aucune présence mais il devait aussi avouer qu'il n'aimait pas être ainsi exposé en pleine lumière et que, s'il y avait eu une autre personne aussi expérimentée qu'Harya, il filerait le groupe quelques mètres plus loin, caché par les nimbes extraordinaires d'un sort de dissimulation. Souvent, il guettait les réactions d'Harya. S'il devait il y avoir une attaque, la demoiselle et ses sens pointilleux seraient les premiers au courant. Or, elle était parfaitement calme, marchant bien droit devant elle comme une sentinelle. Cette pensée arracha un sourire en coin à Nevra. Quelques heures après, les murs de la ville qu'ils voulaient rejoindre était enfin en vue. Cachée derrière ses remparts en pierre bâtis dans la nécessité, elle avait pour point culminant le clocher de la Maison des Hommes de Foi couleur havane. On pouvait voir quelques toits de tuiles rouges qui dépassaient timidement du sommet boursouflé des fortifications. Le groupe s'avança encore et Nevra prit cette fois-ci les devants, échangeant sans un mot sa place avec Harya. Elle glissa tranquillement vers l'arrière pour surveiller la population, tandis que son chef se présentait aux soldats qui étaient postés près de la porte ouest. Les gardes lurent le mot rédigé par Miiko et signé de son écusson personnel. Ils finirent par hocher la tête, rassurés, avant de permettre au groupe entier d'entrer. Le village avait des allures médiévales, avec ses maisons au colombages travaillés. Les demeures habillées de couleurs chaudes bordaient les rues pavées où circulaient des gens pressés mais pas enfermés dans leur propre monde. Il y avait des échanges, tant verbaux que commerciaux, mais tout se faisait dans un joyeux brouhaha qui faisait chaud au cœur. Il n'existait pas la moindre nuance qui rappelait le froideur du monde qui combattait à l'extérieur des murs. Des lampadaires aux structures boisées dignes d'un travail d'orfèvre étaient élégamment disposées de part et d'autre de la rue et à intervalles réguliers. Il ne faisait aucun doute que durant les nuits estivales, il faisait bon traîner dehors. La troupe d'Eel se remit alors en marche, séparant les foules en deux, pour rallier le Palais de la ville, où siégeait le Seigneur. Un homme éduqué comme il le fallait qui savait faire la part des choses entre sa famille et sa régence. Ce fut ce même homme à l'air accueillant qui fit ouvrir les portes de sa demeure aux six gardiens seulement. Ces derniers s'avancèrent et posèrent dans un rythme presque militaire leur genou gauche au sol, leur bras replié sur leur cuisse et la tête baissé. Nevra, quant à lui, posa en plus son poing droit au sol.
- Seigneur Ysiandès. - Relevez-vous, braves gens, demanda le Seigneur en se levant de son trône. Soyez la bienvenue à Orlonde.
Les Gardiens s'exécutèrent avec diligence et se redressèrent, toujours avec une certaine retenue. Devant eux, le dirigeant de la ville marchait devant son trône, de droite à gauche. Il s'approcha ensuite des enfants d'Eel en ignorant sciemment les mises en garde de ses suivants qui ressemblaient davantage à des armoires à glaces destinées à la garde de Valkyon.
- Je suis ravi d'accueillir des Gardiens d'Eel. Même si je me doute que nous allons avoir affaire, vous et moi, je ne peux point manquer de vous dire que vos actions sont tout à fait honorables et que je pose un bon œil sur votre intelligence. - Je vous remercie, répondit humblement Nevra. - Je songe à envoyer quelques uns de mes hommes suivre le rigoureux entraînement de votre système. - Je suis sûr que Miiko en serait ravie.
Chrome avait du mal à retenir ses rires. Voir son chef Nevra parler avec autant de politesse, lui qui jouait les polissons volages, était un spectacle très divertissant. En jetant un regard sur la jeune femme aux yeux de nacrés, le jeune adolescent remarqua qu'elle n'était pas en reste, comme en témoignant son petit sourire en coin qui signifiait que dès qu'elle le pourrait, elle obtiendra vengeance en le narguant sur la soudaine docilité du chef. Le Seigneur Ysiandès partit s'installer de nouveau après avoir pris congé auprès de Nevra. Une fois assis, il posa sa joue contre son poing droit et regarda tour-à-tour les Gardiens.
- J'ai vu que vous meniez un groupe assez conséquents de civils.
Il changea de position pour croiser ses doigts devant son visage.
- Je suppose que leur village a été attaqué par des faerys fous, conjectura-t-il. - Vous ne semblez pas surpris, se permit Harya. D'autres cas sont à déplorer ? - Votre nom ? Demanda le Seigneur en dirigeant son regard sur elle. - Harya, Monseigneur. - Harya comment ? - Je ne m'en souviens pas. - Oh. Pardonnez-moi. Pour en revenir à notre propos, il y a effectivement eu d'autres cas, récemment. Un rapport sur des attaques ayant eu lieu dans les montagnes septentrionales m'a été fait la semaine écoulée.
« Nous avons un Gardien dépêché dans cette zone, j'espère que tout va bien pour lui... » Se dit Nevra.
- Le plus souvent, il n'y avait que quelques victimes à déplorer quand les équipes arrivaient sur place mais peu à peu les villageois disparaissaient. Il n'y avait pas la moindre trace de lutte, on a fini par en déduire qu'ils partaient d'eux-mêmes après avoir succombé au désespoir, termina l'hôte. - Ça tient en effet la route, avoua l'Absynthe. La stabilité est un bon vecteur pour garder le cap mais sitôt qu'il y a un problème, il devient beaucoup plus facile de céder à la folie. - Alors ces personnes que nous avons sauvées ont évité le pire, continua l'un des deux Obsidienne. - Je suppose que vous voudriez que nous veillons sur ces gens pendant quelques temps, anticipa le Seigneur. C'est tout naturel de les accepter mais nous les ferons travailler. - Je ne pense pas qu'ils s'attendaient à autre chose, rassura le Chef des Ombres. - Alors c'est parfait. Vous avez un rapport de Miiko pour moi, je présume ?
Pour toute réponse, Nevra s'approcha du Seigneur et lui tendit le papier finement disposé et habillé de l'écusson de la garde Etincelante.
- Nous prendrons soin d'eux, assura le Seigneur. Ils n'auront plus à souffrir de ce problème plus longtemps. Nous comptions agrandir la ville de toute façon. Nous leur proposerons la solution demain. En attendant, ils vont être décemment logés dans l'abri à l'est du village. Mes gardes s'occuperont d'eux. - C'est très aimable à vous, remercia Nevra en inclinant la tête. - Quant à vous, mes chers Gardiens, je vais vous attribuer des quartiers pour la nuit. - Pardon ?
Le Seigneur leva doucement son bras gauche vers les vitraux derrière lesquels le soleil déclinait déjà.
- Je ne vais pas vous laisser faire la route de nuit. Ne vous fatiguez pas plus que nécessaire. Et puis ça me fait plaisir. Vous ne pouvez pas refuser.
En effet, Nevra ne pouvait pas. Pas en voyant l'air radieux de Chrome ou soulagé de la jeune fille de l'Absynthe. Les deux Obsidiennes semblaient contents eux aussi et Harya indifférente. Bon, une nuit dans un palais, cela pouvait être agréable.
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Chapitre 5 ; Les valses d'Orlonde.
Harya avait troqué sa tenue ample pour une robe humble en tissu doux qu'elle avait trouvé sur son lit en sortant de la salle d'eau. Elle avait fini par savoir qu'elle était habillée en rouge bordeaux et que les chaussures plates qu'on lui avait donné étaient de la même couleur. Elle marchait dans les rues de la grande ville, une sucette à l'orange dans la bouche. Elle l'avait acheté à un môme qui passait par là. Elle devait avoir une démarche assez étrange car elle marchait tout le temps avec des talons assez hauts. Harya était petite. Du moins, on le lui avait fait savoir et depuis, elle trichait sur sa taille. Pour le coup, se retrouver à plat, cela faisait bizarre. La demoiselle se laissait guider par les odeurs toutes plus alléchantes les unes que les autres et finit par arriver sur la grande place du village caractérisée par un brouhaha continu. Elle fut immédiatement assaillie par la myriade de senteurs et de mélodies, les premières venant des terrasses en périphérie de la place, les secondes de partout. Si les cris enjoués des enfants et les discussions aimables des parents envahissaient ces-mêmes terrasses, il y avait un orchestre au beau milieu de la place, entouré de danseurs joyeux. Le sol vibrait sous les pieds d'Harya et cette dernière se fit rapidement embarquer par la mélodie dont elle battait le rythme avec le pied. Au fur et à mesure que les airs de valse s'intensifiaient, la place s'emplissait de toujours plus de danseurs, ainsi que de la fièvre du soir. La blanche finit par s'asseoir sur les marches qui bordaient la piste de danse improvisée. Elle cala son menton entre ses poings et s'essaya à la visualisation de la scène.
Sous les lumières des lanternes aux couleurs chaleureuses, il y avait des Dames et des Gentilshommes qui virevoltaient en rythme, dans une envolée de tissus colorés. Que dansent les couples rouges ! Que vrillent les duos jaunes et que s'émerveillent les partenaires en bleu ! Tout autour de ces danseurs qui s'échangeaient avec dextérité les partenaires et se mêlaient dans une cohue étrangement ordonnée, il y avait ces hommes coiffés de chapeaux mignons qui de leurs éclats de voix rauques et leurs applaudissements imposaient un rythme de plus en plus rapide. Alors les sauts des danseurs se rapprochaient, les pas s'entremêlaient, les rires conviaient le monde à l'amusement et enfin les musiciens virtuoses laissaient libre court à leur folie mélodieuse. Tous s'en donnaient à cœur-joie. Harya se mit à sourire, nostalgique. Plusieurs fois elle avait entendu des gens se rapprocher d'elle mais elle n'avait jamais reçu la moindre invitation à danser. Il fallait dire que son visage était tout nouveau dans cette ville et que ses yeux blancs, ainsi que l'écusson de la Garde de l'Ombre accrochée à son cœur étaient certainement des éléments dissuasifs pour les damoiseaux. Pourtant, elle fut saisie par la main puis, forcée de se lever, elle fut emmenée vers le centre de la place. Elle s'arrêta nette jusqu'à ce qu'on adopte à sa place une posture de danseur de valse.
- Nevra ! S'exclama-t-elle après avoir reconnu l'odeur de son chef. - Une aussi jolie demoiselle n'a pas le droit de ne pas se faire inviter à danser ! Se justifia-t-il. - Mais- ! - Amuse-toi, un peu !
Sur cet ordre, le jeune homme embarqua sa partenaire au milieu des autres duos qu'ils ne faisaient que frôler, le tout en tournoyant en rythme. Il n'allait pas trop vite afin de ne donner ni l'envie ni le besoin de chavirer à la renverse à sa jeune amie. Après quelques pirouettes entre les landes volantes de l'écharpe de Nevra, Harya parvint à se prendre au jeu. Ses épaules se détendirent quelque peu et ses pas se firent plus souples. Au fil des valses, la jeune femme prit des libertés jusqu'à rire en se laissant tourner sur elle-même, guidée par la main de Nevra. À un moment, alors que la valse laissa place à une mélodie beaucoup plus endiablée, le jeune homme attira Harya à lui, le dos de cette dernière épousant son torse. Ils se séparèrent latéralement deux fois, de sorte à ce qu'ils aillent chacun d'un côté, avant de se quitter avec plus de véhémence ; Harya sembla rouler contre le bras de Nevra qu'elle tenait d'une main avant de se séparer de lui et de se stopper net, rappelée par la force de leurs deux bras tendus. Elle jeta son bras libre en arrière avant de se faire ramener vers Nevra qui lui fit faire un demi-tour. Il la força avec douceur à se coucher sur son bras, le dos vers le sol, ce qu'elle fit à la force de ses abdominaux. Elle se releva ensuite grâce à une impulsion et se sépara de nouveau de Nevra en vrillant deux fois. Celui-ci fit de même de son côté ; les deux compagnons se retrouvèrent assez éloignés. Après un regard à la limite de la provocation, les deux se rapprochèrent en trottinant avant de confronter les plis de leurs coudes pour tourner dans le sens des aiguilles d'une montre, tout en se regardant. Puis ils se séparèrent d'un pas sauté en arrière avant de réitérer leur mouvement dans l'autre sens. Au final, ils tendirent leurs bras droits respectifs et entourèrent celui de l'autre de leurs mains. Ils se laissèrent glisser en arrière jusqu'à ce que leurs mains se lient, alors ils se rapprochèrent de nouveau. Harya pivota vers Nevra qui leva son bras sous lequel elle passa. Ils se lâchèrent ensuite et la jeune femme se propulsa une nouvelle fois en avant. Elle attrapa son jupon sur le côté et se permit de jouer avec en se tournant en rythme vers son chef de garde vers lequel elle s'élança en un léger pas chassé. Ce dernier la réceptionna ensuite par la taille et la souleva un instant en tournoyant. Il la reposa avec délicatesse et ils reprirent une danse plus conventionnelle jusqu'à la fin du mouvement musicale.
Peu importait, ils avaient déjà attiré les regards des autres danseurs sur eux et ils les avaient pour ainsi dire captivés. Quand la musique cessa, il y eut beaucoup d'applaudissements à l'égard du duo de danseurs gardiens mais surtout à l'égard des musiciens qui avaient mis une excellente ambiance.
- Eh bien, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant amusé. J'ai bien fait de décider de rester ici, souffla Nevra en reprenant son souffle. - Tu n'aurais pas pu le refuser à Chrome, rétorqua Harya. - J'ai su lui refuser son droit de sortie. Il est dans ses quartiers. - Le pauvre, tu es cruel. - Je sais, laissa-t-il planer d'une voix mielleuse.
Harya leva les yeux au ciel, blasée.
- En tout cas, cette danse était amusante, avoua-t-elle. - Je suis ravi de te l'entendre dire ! S'extasia Nevra. Il fallait que tu danses ! - Cela faisait longtemps. - C'est vrai. Peut-être devrions-nous demander à Loévan de rejouer, un de ces quatre. - Pourquoi pas.
Nevra eut un sourire, qui s'intensifia lorsqu'il remarqua près des terrasses les quelques garçons qui avaient voulu inviter Harya mais qui s'étaient ravisés en la voyant de plus près. Ces derniers le toisaient, non sans emphase et cela amusait le chef de Garde. Il ne risquait pas de s'excuser. Bien au contraire. Il fit une révérence à ces goujats qui avaient osé penser qu'une aveugle ne pouvait pas danser.
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Chapitre 6 ; L’œuf des Cerisiers.
Le petit déjeuner avait été à l'image du dîner servi la veille ; excellent. Mais il était surtout un véritable vecteur de somnolence et Chrome, qui s'était dûment rempli la panse, n'arrêtait pas de bailler en attendant ses collègues de la garde près de la grande porte du Palais. L'adolescent avait été ravi par son séjour dans la ville, même s'il n'avait pas eu le droit de sortir après le dîner. Au moins, il avait pu dormir dans des draps si confortables qu'il en rêvait debout. Au final, tout s'était bien conclu et Chrome rêvait que les missions soient plus souvent aussi faciles. Ils n'avaient pas subi d'autres attaques et les négociations... Il n'y avait pas eu de négociations, le Seigneur avait accepté tout de suite leur requête. Même si au goût du jeune garçon, le piquant était important pour tuer son ennui, une mission plus simple, bien qu'importante, n'était pas de refus. Aussi, ce qui ne se refuserait pas, c'était la ponctualité de ses cinq camarades. Pas un n'était encore présent au point de rendez-vous à l'heure prévue. L'adolescent commençait à s'agacer. Lui qu'on avait sermonné à l'aller se donnait d'ores et déjà une joie de pouvoir rendre la pareille à son si vaniteux chef. Bon, en vérité, il l'appréciait énormément mais il avait comme une espèce de besoin viscéral de lui faire fermer son clapet. Une sorte de petite fierté inutile, en somme. Alors qu'il prévoyait ce qu'il allait bien pouvoir dire à son chef en espérant obtenir des excuses de celui-ci, la porte du Palais s'ouvrit sur Harya. Le visage de Chrome s'illumina ;
- Bah alors Harya, on est en r- - Qu'est-ce que tu fichais, Chrome ? - Hein ? - On t'attend, je te signale ! - Moi, je vous attends ! On avait dit rendez-vous aux aurores à la Grande Porte ! Je suis aux aurores à la grande porte ! - La Grande Porte de la ville, Chrome... De la ville ! - Quoi ?! Merde ! - Tu peux le dire ! Allez, en selle !
Sans laisser le temps à l'adolescent de regretter davantage son erreur, elle le prit par le poignet et l'embarqua dans les rues désertiques de la ville. Il eut juste le temps d'embarquer son sac au passage avant de se mettre à courir après la jeune femme. Ils rallièrent rapidement la porte de la ville où les quatre autres attendaient effectivement. Nevra semblait encore être le plus agacé d'entre tous et ce sentiment fut encore plus fort lorsque celui-ci abattit son poing avec un peu de force sur le crâne de l'adolescent.
- Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? Se lamenta Nevra. - Je suis désolé ! S'excusa Chrome en se tenant la tête. J'étais à l'heure mais pas au bon endroit !
Nevra soupira. Le jour où ce gamin serait à l'heure au bon endroit, les poulpatatas auraient des jambes. Il décida néanmoins de clore l'incident et de faire partir le petit groupe. Comme ils étaient tous les six des Gardiens forgés à un minimum d'exercice physique, ils décampèrent au galop. Ils s'évaporèrent comme la houle dans l'horizon boursouflé de collines. Une fois qu'ils eurent gagné la forêt, les trois Ombres, les plus souples, grimpèrent au branche pour continuer leur voyage par une voie plus aérienne. La perspective d'une mission réussie les avait rendus guillerets, si bien que Chrome sautait de branche en branche en faisant des figures et s'écriant parfois, sous l'extase et l'ivresse de la course. Nevra n'était pas en reste, bien décidé de ne rien céder à son subalterne, aussi glissait-il de branche en branche, parfois en faisant le tour des branches les plus épaisses à la seule force de ses bras avant de se propulser en avant. Bientôt, la progression de ses Gardiens devint une compétition où il fallait rivaliser d'ingéniosité pour dépasser les autres. Si les Ombres étaient avantagés par leurs sauts de branche en branche, les deux Obsidienne, eux, avaient décidé de les déséquilibrer. Ils s'accrochaient parfois aux branches choisies pour la réception, ce qui eut le don de déséquilibrer Chrome, tout d'abord. Ce dernier roula au sol, en avant, pour ne rien perdre de la course. S'il ne pouvait plus aller en hauteur, ce n'était pas pour autant qu'il allait abandonner la course. Il dépassa alors les Obsidienne et se confondit avec la végétation dense. Les deux gaillards n'y firent guère attention et là fut leur plus grande erreur. Le gamin n'était pas idiot et s'il savait que courir était la clé de la victoire pour cette course, il fallait aussi empêcher les autres de le rattraper. Il leur tendit alors une embuscade. Un simple fil au ras du sol était tendu et les deux hommes se prirent les pieds dedans comme de droit. Ils n'eurent pas non plus le temps de se demander ce qui leur était arrivé que Chrome apparaissait devant eux, leur faisait une odieuse grimace avant de repartir en courant.
Les deux hommes hors course, il ne restait que Nevra et Chrome, ainsi que les deux filles qui n'avaient pas fait de bruit jusqu'à présent. D'ailleurs, les deux étaient introuvables. Que Harya le soit était normal, au vu de son affectation dans la Garde d'Eel mais la jeune femme de l'Absynthe, Raphaëlle Nightmoon, n'était pas reconnue pour ses aptitudes au cache-cache. Pourtant, après une bonne heure de course, les deux garçons débouchèrent sur une clairière où les deux filles ne les attendaient pas. Nevra n'avait même pas envie de narguer Chrome sur le fait qu'il avait encore à faire pour le dépasser, ni même de le féliciter d'avoir mis les deux Obsidienne hors course. Il était simplement inquiet d'avoir perdu deux membres de son groupe sans rien remarquer. Il allait repartir en forêt, suivi de Chrome qui avait capté son anxiété, quand la voix d'Harya se fit entendre :
- Vous en avez mis, du temps !
Les deux garçons se figèrent et leurs regards furetèrent à gauche puis à droite. Il n'y avait rien. Pas d'Harya en vue.
- En haut, reprit la voix.
Derechef, les deux Ombres levèrent la tête et leurs moues se figèrent dans la stupeur quand ils virent leur camarade accrochée au dos de Raphaëlle qui volait. Ni plus ni moins. Elle avait des ailes blanches dans le dos. Chrome ne put retenir son « whoooaw » de stupéfaction tandis que Nevra faisait les yeux ronds.
- Vous verriez vos têtes ! Se moqua Raphaëlle.
Elle amorça alors sa descente tranquillement et une fois que ses pieds eurent touché le sol, Harya se décrocha de la jeune femme et les ailes disparurent dans un éclat lumineux de toute beauté.
- J'avais... oublié tes origines, Raphaëlle, avoua Nevra. Par contre, toi, Harya, tu es une tricheuse. - N'importe quoi. Tu n'as spécifié aucune règle. Nous avons fait équipe et nous avons gagné. C'est tout. - À d'autres. - Mauvais joueur. Non ! Mauvais perdant ! - Je ne perds jamais ! - Et là, c'était quoi ? - Tu as triché ! - Et c'est avec des excuses aussi douteuses que tu vantes tes missions jamais échouées ? Quelle déception, Chef ! - Vous avez fini ? Demanda finalement Ajrarn qui était enfin arrivé avec son collègue. - Nous vous attendions, provoqua Nevra avec un sourire narquois. Si nous avions décidé de commencer à manger, on aurait eu le temps de finir.
Raphaëlle, Chrome et Harya roulèrent des yeux tandis que les deux hommes de Valkyon riaient jaune. Une fois les tensions apaisées, l'heure du repas fut effectivement déclarée, pour le plus grand bonheur de Chrome. Les six Gardiens s'assirent dans l'herbe de la clairière bordée d'arbres aux feuillages colorés. Pour ce midi-là, ce serait des sandwiches au pain des plaines aux saveurs maritimes pour tout le monde. Il ne fallait pas perdre de temps alors ils mangeaient tous assez vite. Ayant fini son repas, Raphaëlle se leva et prit congé auprès de ses camarades pour entamer une marche digestive en prévision de la course qu'ils allaient sûrement reprendre. Nevra avait accepté que pour des raisons de confort, la petite troupe prenne une dizaine de minutes pour se préparer. Harya en profitait pour s'étirer les jambes et ainsi éviter les tendinites, tandis que Chrome s'entraînait à escalader. Visiblement, il n'était pas prêt de s'avouer vaincu par Nevra.
Attitude qui fit d'ailleurs sourire ce dernier mais, cette fois-ci, au lieu de se moquer de son subalterne, il lui donna quelques conseils sur le positionnement des doigts, de quoi grimper plus vite en évitant les crampes malheureuses. De leur côté, les deux hommes de l'Obsidienne s'entraînaient tous les deux au combat rapproché. Leurs mouvements n'avaient rien de fouillis, contrairement à ce que beaucoup disaient. Ils arrivaient souvent à placer des mouvements pour briser la défense de l'autre, quand bien même celui-ci l'empêchait par des manœuvres et des positionnements habiles du bassin et des jambes. Ils feintaient, frappaient, esquivaient dans ce qui ressemblait davantage à une danse véhémente, au final. Nevra les regardait du coin de l’œil. Même s'il avait une certaine animosité envers ces deux lascars, ils n'en étaient pas moins d'excellents éléments qui avaient eu le temps de faire leurs preuves en huit années de service. Ils venaient d'une promotion de Gardiens qui était relativement excellente. Chez les Obsidienne, il n'y avait eu qu'une seule femme qui avait réussi à passer les examens d'admissions pour cette garde, cette année là. Une certaine Akemi. Très douée, elle pouvait aussi facilement faire les frais de son excès de confiance en elle, bien que pour le moment, ses missions de rang S accomplies seule étaient un sans faute, et surtout une sorte de légende pour les générations qui avaient suivi. Nevra aurait pu rêvasser sur l'évolution de la Garde sous son tiers de direction encore longtemps si Raphaëlle n'était pas arrivée au pas de course, l'air un peu catastrophé.
- Tu es toute pâle, qu'est-ce que tu as ? Demanda Nevra. - Je pense que les faerys fou n'ont pas fait que des dégâts matériels et humains, avoua la jeune Absynthe. - Comment ça ? Reprit Harya. - Suivez-moi !
Elle fit volte-face avant de repartir en courant, suivie des cinq autres gardiens. Ils traversèrent la clairière au pas de course avant de devoir écarter les branchages pour se frayer un chemin dans la forêt. Ils avancèrent encore un peu jusqu'à ce que Raphaëlle leur fasse signe de ne plus faire de bruit. Ils s'exécutèrent et ce fut à pas plus ou moins feutrés qu'ils continuèrent leur progression. Au bout d'un moment, l'Absynthe s'arrêta et dévoila aux autres les restes saccagés d'un nid d'animaux. Nevra se figea soudainement et se mura dans un inquiétant silence alors que Chrome essayait de savoir ce qu'il s'était passé. Devant eux, il y avait de nombreux éclats de coquilles d’œufs rose pâle disséminés dans l'herbe et il y avait aussi quelques tâches de sang, ça et là. Une odeur de métal oxydé qui fit se retourner Harya, les deux mains sur le nez. Elle flanqua son épaule contre l'arbre le plus proche pour s'appuyer et veillait à retrouver une respiration normale, alors qu'elle était actuellement saccadée. Le sang. Harya le portait en grande horreur. Même si elle ne pouvait pas voir sa couleur rubis, son odeur avait quelque chose de trop imposant pour la délicatesse de la demoiselle. Elle était littéralement hématophobe. De son côté, Nevra s'approcha du nid puis s'agenouilla. Il se mordit la lèvre inférieure à sang. Chrome, de son point de vu, ne pouvait voir les yeux de son chef mais ce tic qu'il avait de se mordre la lèvre ne lui était pas étranger. Nevra était écœuré. Il y avait probablement une multitude d'envies de meurtres à l'égard des salopards qui avaient ça qui traversaient sa tête. Le jeune chef des Ombres écarta les hautes herbes avec une douceur que l'on ne pouvait pas soupçonner chez lui et dévoila une Pimpel couchée sur le flanc. Son pelage était devenu éparse et tâché de sang mais il ne faisait nul doute que la jolie demoiselle en avait eu un magnifique, avant que ces...
- Enfoirés de timbrés, grogna Nevra, les dents serrées.
Il croisa le regard de la Pimpel un instant et eut mal au cœur. Alors qu'il avait déjà du mal à se défaire du son des soupirs d'Harya, ce regard animal désespéré avait de quoi le faire définitivement flancher. Il passa ses mains sous l'animal et la souleva délicatement avant de la faire reposer contre lui. La pauvre petite se laissa faire et se blottit contre lui. Il lui caressa la tête. Par chance, ces petits bois fleuris n'avaient pas souffert, aussi, s'ils parvenaient à la soigner, elle pourrait toujours se défendre.
- Il va falloir faire vite, souffla Nevra. - Tu comptes l'emmener ? Demanda Ajrarn. - Tu arriverais à l'abandonner ici, toi, peut-être ? - Nous ne sommes pas sûrs qu'elle va tenir tout le voyage. De toute façon, la perte de ses œufs risque de la rendre folle. Ce n'est pas l'aider que de la sauver.
Nevra ne pouvait pas se résoudre à l'achever. Qui était Ajrarn pour prétendre connaître le monde animal ? Cette petite Pimpel n'avait pas mérité son sort et Nevra ne pouvait pas rendre son dernier jugement, il n'en avait tout bonnement pas le droit. C'était pour cette raison qu'il défit son écharpe pour entourer la lapine avec.
- Tu écoutes ce que je te dis ?! S'énerva Ajrarn en posant sa main sur l'épaule de Nevra pour le forcer à se retourner.
L'effet fut immédiat ; Nevra se releva et, tenant fermement mais doucement l'animal contre lui, il envoya voler son poing libre dans la joue de son camarade. Ce dernier, pourtant habitué aux affrontements physiques, n'avait pas su le prévoir et il recula un peu, aussi surpris par la force que le chef des furtifs avait déployée.
- Tu fermes ta gueule et tu obéis, cracha Nevra. Tu ne connais pas le règne animal. Il existe des exceptions à tout et cette Pimpel n'a pas demandé à être exécutée. Si tu ne sais pas faire preuve de sollicitude, ton titre de Gardien peut être remis en question très facilement.
Ajrarn, la main sur la joue, baragouina quelque chose d'incompréhensible mais à en juger par le timbre sombre de sa voix, ce n'était rien de très respectueux. Pourtant, Nevra n'avait pas que ça à faire que de perdre du temps avec un imbécile pareil, aussi il décida de reprendre la route. Alors, un phénomène étrange se produisit alors que Nevra allait rassurer Harya ; la femelle qui jusque là avait été bien docile se mit à s'agiter et même à se débattre dans l'écharpe de Nevra. Ce dernier se stoppa, incrédule.
- Elle n'a pas l'air de vouloir quitter cet endroit, nota Raphaëlle. C'est son nid, après tout... - Nous avons peut-être oublié quelque chose, souligna Chrome. - Mais quoi ? Il a été complètement dévasté...
Raphaëlle retourna près du nid et fouilla dans les herbes, à la recherche de quelque chose de notable. Elle finit par pousser un petit cri de stupeur.
- Il y a un œuf intact !
Les yeux de Chrome s'écarquillèrent et Nevra imita sa moue, surtout quand la jeune femme sortit des broussailles un petit œuf rose aux motifs boisés, parfaitement intact, en effet. La jeune fille s'approcha de la maman et mit l’œuf à son niveau. L'effet fut immédiat ; le petit museau frétillant de la Pimpel se mit à effleurer la surface de l’œuf et elle posa sa petite patte dessus. Elle ferma finalement les yeux et se détendit. Raphaëlle eut un sourire rassuré.
- Cet œuf est déjà gros, commenta Nevra. Il faut se dépêcher. Raphaëlle, je peux ?
La jeune fille hocha la tête et posa l'oeuf dans la main de Nevra. Ce dernier lui demanda ensuite de le suivre et il embarqua Harya dans sa suite. Tous les six sortirent de la partie dense de la forêt pour revenir à la clairière. Là, il enveloppa l'oeuf près de sa mère et tendit son écharpe à Chrome qui la prit précautionneusement. Le chef de l'Ombre se tourna ensuite vers Harya qui ne s'en remettait toujours pas et la prit par les épaules.
- Hey, Harya, tout va bien. Il ne peut rien t'arriver, ce sang ne peut rien te faire. Calme-toi, Harya. Ce n'est rien. Il n'y a plus rien. Il n'y a rien de grave pour toi.
Harya releva un peu la tête vers Nevra.
- Mais il y a quelque chose pour cette Pimpel et son bébé. Il faut leur venir en aide, tu comprends, ça ?
Elle hocha la tête, essayant toujours de reprendre le contrôle de sa respiration. Voyant cela, Nevra se tourna vers Chrome et reprit délicatement l'oeuf avant de le poser dans les mains jointes d'Harya. Celle-ci dirigea instinctivement son regard vers la petite chose.
- Cet œuf va bientôt éclore et ce bébé va naître dans un monde froid où sa maman ne peut pas s'occuper de lui. Si nous ne nous dépêchons pas, il va mourir. On ne peut pas laisser faire ça, n'est-ce pas ? - N-non... On ne peut pas... - Tu es arrivée dans la garde au moment où avoir un familier n'était pas obligatoire et faire passer les testes aux autres nous a toujours empêchés de faire passer le tien... Que dirais-tu d'avoir un bébé Pimpel ? - Moi ? - Oui, tu es la seule à pouvoir le faire, je sais que je peux avoir confiance en toi.
Harya resta un moment interdite, encore chamboulée par sa rencontre surprise avec l'odeur du sang. Elle finit néanmoins par hocher la tête et alors Nevra s'activa. Il reprit l'oeuf pour le placer dans près de sa mère et il transféra l'écharpe dans les bras de sa petit protégée aux cheveux blancs.
- Serre bien l'écharpe contre toi pour ne pas sentir le sang une nouvelle fois. Il ne va pas falloir les secouer, alors, Raphaëlle, est-ce que tu es capable de transporter Harya jusqu'au Quartier Général ?
Il reçut une réponse positive, pour son plus grand bonheur. Le contraire l'aurait tellement navré... Sans plus tarder, Raphaëlle s'approcha d'Harya, passa un bras derrière ses genoux et força la jeune femme à les plier, tandis qu'elle passait son autre bras dans son dos. Ainsi soulevée, Harya repositionna l'écharpe contre elle. Finalement, l'Absynthe fit de nouveau apparaître ses ailes avant de s'envoler à vive allure vers Eel, laissant les quatre garçons seuls.
- Maintenant, vous allez me faire plaisir ; nous allons rendre une sépulture digne à ces bébés qui n'ont pas pu profiter de la vie, compris ? Déclara Nevra d'une voix froide.
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Chapitre 7 : Un espoir de vie.
- Keroshane ! Keroshane ! Hurlait Harya au milieu du hall.
Les deux missionnaires étaient arrivées en trombe dans le hall du Quartier Général et leur entrée n'était évidemment pas passée inaperçue à leur plus grand malheur. Les discussions des autres gardiens sur le sujet de la petite Pimpel couvraient la voix des deux jeunes filles et elles peinaient à maintenir le silence. Au bout d'un moment, Harya n'y tint plus. Elle confia les petits êtres à Raphaëlle et lui demanda de se placer en hauteur, ce que la jeune femme fit, ayant déjà compris ce qu'il allait se passer.
- CA SUFFIT ! Vociféra Harya.
Pour faire valoir son ordre, elle leva son talon et l'abattit violemment au sol, ce qui eut le don de faire apparaître des arcs enflammés autour de la jeune femme et, il n'y avait rien à faire ; les flammes, ça taisaient les plus téméraires. Une fois la salle plongée dans le silence imposé par l'autorité d'Harya, cette dernière articula très clairement d'une voix menaçante ;
- Maintenant, le prochain qui ouvre sa grande gueule pour autre chose que pour m'indiquer où se trouve Keroshane, je me ferai une joie de le carboniser. - Ce ne sera pas nécessaire, Harya, fit Keroshane en s'avançant sur la passerelle au-dessus du hall. - Il y a urgence, Keroshane ! S'exclama Harya en pointant Raphaëlle.
Keroshane suivit la direction indiquée par Harya du regard et son air se décomposa dès qu'il vit l'état dans lequel se trouvait la Pimpel. Il dévala les escaliers pour rallier Raphaëlle et sans rien ajouter de plus, il l'embarqua dans l'infirmerie. Harya partit rapidement à leur suite, bien décidée de suivre l'avancée des soins sur la Pimpel et son œuf. Keroshane, en véritable expert, ordonna à ce que l'on s'occupe de la femelle tandis qu'il se saisissait de l’œuf et le plaçait sous un incubateur. Sitôt le petit œuf posé, la lumière magique se mit à diffuser une douce chaleur dessus.
- Garde un œil sur lui, Harya, demanda l’Étincelant. Il faut absolument soigner la mère.
Cela allait de soi. Rapidement, les deux Gardiennes furent mises de côté tandis qu'une équipe de médecins se pressait autour de l'animal. Des paravents furent disposés autour de la table d'opération.
Puis, le silence fut. Harya s'était coupée du reste. Elle n'entendait même plus Raphaëlle qui prenait congé pour aller faire le rapport, ni le chuintement des instruments de chirurgie. Rien. Il ne se passait rien, il n'y avait rien, toujours cette espèce de néant dans lequel elle était plongée depuis son premier souvenir. Le noir, le noir, le noir et rien d'autre. Que du noir, jamais une nuance, jamais une lumière, pas même conférée par ses propres flammes.
Et là, il n'y avait plus un seul son. Harya était partie très loin. Elle fut néanmoins ramenée à la réalité lorsque que quelque chose tapa sa main qu'elle avait posé sur le rebord de l'incubateur. Elle sursauta avant de tourner la tête par réflexe. Elle entendit alors une petite respiration, quelque chose tressaillir. Un frisson parcourut l'échine de la demoiselle. Elle sentait des petites moustaches lui chatouiller la main. Puis, la paille disposée dans le creux craqua un peu. Le petit bébé marchait doucement. Puis il eut un bruit sourd ; le bébé Pimpel était tombé de la hauteur de l'incubateur. Harya n'arriva à rien d'autre qu'à fermer fortement les yeux, comme pour accuser la chute, avant de les rouvrir. Même si cela ne changeait rien pour elle, elle avait les mêmes mimiques que les voyants. En resserrant doucement les bras autour de la petite créature qu'elle parvenait à peine à détecter, Harya finit par sentir de nouveau le pelage encore humide du nouveau-né. Lorsque sa main passa dessus, elle sentit la tête du Pimpel se frotter à sa peau, affectueusement. Harya en resta coite. Les yeux écarquillés, elle laissait le Pimpel faire. Ce dernier continuait sa première aventure en frôlant toujours le bras de la demoiselle. Il le remonta tranquillement, en catimini, jusqu'à arriver au bord de la table. Là, il posa une petite patte sur la poitrine d'Harya pour se redresser doucement et renifler son menton. Elle baissa la tête, toujours béate d'admiration. Elle avait eu le coup de foudre pour ce jeune Pimpel. Elle se laissa faire par le nouveau-né avant de le prendre sans ses mains. Il n'opposa aucune résistance, se contentant de renifler tout ce qu'il pouvait. Au final, il accola son petit museau contre le nez d'Harya et garda cette position un moment. La jeune femme resta immobile, à la fois émerveillée et stupéfaite. Elle ne sut retenir son petit sourire naissant. Il s'étira doucement au fur et à mesure que son cœur s'emplissait de joie. Ce petit avait l'air bien. Néanmoins, il fallait s'en occuper. La jeune femme reprit ses esprits et reposa le petit dans l'incubateur et le recouvrit de paille. Rapidement, elle se leva et attrapa quelques fleurs de lotus, ainsi qu'un mortier. Elle disposa le tout sur la table et partit chercher un lait spécialisé par la suite. Elle posa les fleurs au fond du mortier et commença à les broyer manuellement avec toute la force dont elle était capable. Tandis qu'elle entendait la petite bête fouiner dans son tas de paille, elle ajoutait du lait à sa mixture, tout en continuant son broyat. Comme c'était un nouveau-né, Harya considéra qu'une seule fleur serait suffisante. Une fois que le lait avait bien été infusé, elle transvasa sa préparation dans une petite seringue, dont elle humidifia le bec avec sa propre salive. Une fois tout cela fait et le mélange doucement chauffé par ses propres flammes, elle attrapa le Pimpel délicatement et lui proposa sa mixture.
Le petit attrapa le bec dans sa petite gueule et commença tout bonnement à téter. La jeune femme appuyait sur la seringue au fur et à mesure.
Elle était tellement captivée par son ouvrage qu'elle n'avait même pas senti Nevra et Keroshane qui la regardaient, un sourire en coin flanqué sur le visage de l'un, une moue surprise pour l'autre.
- On dirait qu'elle sait y faire, se satisfit Nevra avant de prendre congé auprès de Keroshane.
Il lui tapa amicalement l'épaule avant d'aller danser avec la nuit.
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Chapitre 8 ; Loévan.
- Montre-moi encore une fois ! S'écria Loévan. - Bon... Bon... D'accord...
Harya ne pouvait rien lui refuser de toute façon. Loévan était un jeune réfugié de quatorze printemps qui avait toujours une sacoche accrochée dans son dos et qui vivait tranquillement avec ses deux parents après que ceux-ci aient fui une guerre lointaine. Depuis leur rencontre dans des circonstances un peu brusques il y avait quatre ans, les deux jeunes gens étaient restés très liés. Loévan était en quelques sortes devenu le petit protégé d'Harya, de la même façon que cette dernière l'était pour Nevra, comme si l'histoire se répétait. Et gare à ceux qui s'en prenaient aux petits protégés ! Ce que voulait Loévan en cet instant précis, c'était voir le petit Pimpel d'Harya qui était désormais âgé d'une semaine. La jeune femme avait été mise à pied pour qu'elle puisse s'occuper de la petite bête dont la mère, bien que sauvée, n'avait pu s'occuper car elle ne le reconnaissait tout simplement pas. Cette dernière gambadait dans l'enceinte des murs, désormais, sous le regard tranquille d'un Nevra satisfait, et fascinait les jeunes du refuge qui étaient habitués aux plus communs Sabalis, Corkos, Becolas ou Crylasm. Harya n'avait pas du tout été gênée par sa mise à pied ; à vrai dire, la présence du jeune Pimpel avait ravivé des instincts maternels bien souvent appliqués sur le jeune Loévan chez Harya et son ennui, qui jusque là avait été pratiquement systématique, avait été tranquillement guillotiné. La jeune femme chassa doucement les couches de tissus de sa cape en feutrine noire pour laisser voir une besace solidement attachée à son buste, dans laquelle dormait tranquillement le jeune Lithium. Le visage de Loévan s'illumina, ce qui tranchait avec son air habituellement déprimé. En effet, Loévan n'était pas aussi insouciant que la majeure partie des gosses du refuge, bien qu'il aurait bien volontiers acheté un peu de cette bonne humeur. En vérité, avant qu'il ne rencontre Harya, il était toujours cloîtré chez lui. Toujours vêtu de noir et un air maussade en permanence accroché à son visage mat, il était une source continuelle de soucis pour ses parents. Un jour et bien que son mutisme était supposément dû aux horreurs qu'il avait vu sur sa terre natale, ils avaient décidé de ne plus lui laisser le choix ; ils lui avaient fait prendre l'air, malgré les réticences du jeune garçon. Malheureusement, rien ne s'était passé comme prévu et un groupe de trois sales mioches l'avaient coincé dans un coin. Harya, qui a l'époque était déjà une Gardienne depuis environ deux ans, était intervenue. Elle ne s'en était pas sortie indemne et ce satané jour avait laissé une marque indélébile ; une longue cicatrice qui striait sa joue gauche. Depuis cet incident, ils ne s'étaient plus jamais quittés et les parents s'étaient platement excusés auprès d'Harya. La jeune femme ne leur en avait pas tenu rigueur et elle avait commencé à multiplier les visites chez le jeune garçon qui peu à peu affichait des sourires. Harya était devenue une amie de la famille. Ce jour-là, à l'instar de beaucoup d'autres, la jeune Gardienne était venue chercher Loévan afin qu'ils aillent se balader au marché d'Eel. Profitant de l'occasion, les parents du garçon lui avait remis une liste de courses. Il s'agissait de quelques petites emplettes de base pour ne pas avoir à manquer de quelque chose en attendant le prochain rationnement. Dans sa besace, Loévan disposait ainsi du relevé des denrées pour qu'il puisse être autorisé à se servir sans passer pour un voleur.
- Par quoi tu veux commencer ? Demanda Harya. - Je pensais aller chercher la vannerie pour maman. Comme ça, on pourra s'en servir pour porter les vivres après. - Cela me convient très bien. Allons-y.
Ils partirent en direction de la bonne enseigne sans bavarder davantage. Sur la route, ils furent salués par plusieurs civils et gardiens qui connaissaient bien cet étrange duo. Les rues commerciales du refuge étaient impressionnantes. Quand on regardait le domaine d'Eel de loin, on n'aurait jamais pu deviner qu'il était aussi grand. Pourtant, il abritait un village très important et était très actif, comme en témoignaient les nombreuses échoppes de petits commerçants autour desquels s'affairaient plusieurs acheteurs et qui jouxtaient les grands immeubles d'enseignes plus importantes. Eel n'était pas qu'un simple refuge régi par l'armée ; il possédait aussi sa force économique qui faisait de lui une ville à part entière. Loévan et Harya traversèrent un pont au-dessus d'une rivière afin de rejoindre le quartier commercial. Rapidement, ils localisèrent le magasin qu'ils souhaitaient et purent commencer à faire leurs courses. Ils ne devaient pas perdre de temps ; quand bien même les parents de Loévan le laissaient vagabonder en dehors du refuge aux côtés d'Harya, le jeune garçon était soumis à une sorte de couvre-feu. Paradoxal, peut-être, mais les parents étaient incapables de supporter l'absence de leur fils chétif trop longtemps.
- Qu'est-ce que tu penses de ce panier-là ? Demanda Loévan en sortant un grand banneton des étalages. - Hm, hormis le fait qu'il semble plus gros que toi, il m'a l'air pratique, confia Harya. Tu vas réussir à le porter ? - Ne me sous-estime pas ! - Très bien, très bien, bonhomme ! Il est parfait !
Sourire lumineux de la part de Loévan. Harya ne put s'empêcher de le lui rendre et ils filèrent tous deux payer leur achat. Ainsi ils pouvaient continuer leurs emplettes, chose qu'ils firent assez rapidement en vagabondant d'étalage en étalage. Le jeune garçon voulait en finir le plus vite possible pour profiter du temps qui lui restait en compagnie de celle qu'il avait parfois bien envie d'appeler « maman ». Cela avait toujours étonné le chef de cette dernière d'ailleurs. Il n'avait jamais correctement assimilé qu'une femme fière et autoritaire comme elle pouvait s'attifer d'un magnifique instinct maternel.
- Je pourrais te jouer mon nouvel air, tout à l'heure ? Demanda Loévan qui galérait à porter son panier. - Bien entendu !
Elle adressa un sourire victorieux à Loévan mais au lieu d'ouvrir la bouche pour le charrier, elle se contenta de l'aider en portant le panier d'une main, ce qui laisserait au jeune garçon le plaisir d'avoir presque tout fait tout seul.
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Chapitre 9 ; Un mélomane, un réfractaire et une furie.
Loévan posa le panier rempli sur la table de la salle, sous les yeux ravis de sa mère. Celle-ci l'embrassa affectueusement sur la joue avant de le saluer ; elle savait très bien que son fils pouvait se faire très pointilleux sur l'heure et qu'il était hors de question de perdre les quelques précieuses heures qu'ils pouvaient passer avec son amie. Sa mère lui donna deux bonbons et ce fut un gamin enjoué qui rejoignit son amie qui était adossée au mur contre la porte. Il lui donna le bonbon à l'orange et Harya adressa un signe de main à la mère. Depuis le temps qu'elle venait rendre visite au jeune garçon, la famille avait eu le temps de connaître ses goûts, surtout avec un jeune adolescent qui insistait fortement pour qu'on achète les goûts préférés de la blanche. Harya prit le bonbon et l'odeur de l'agrume vint à la ravir. Elle sentit la main de Loévan dans la sienne et elle lui adressa un sourire. Ils partirent main dans la main vers le kiosque central où ils avaient l'habitude de passer le reste de leurs temps libres. Loévan était tout fébrile à l'idée de pouvoir présenter son nouveau morceau de musique à sa bienfaitrice. Il avait toujours eu un don pour la musique alors que personne dans sa famille ou dans son entourage ne le lui apprenne. C'était Harya qui avait cassé sa tirelire pour offrir au gamin la guitare qui ne le quittait plus depuis. Il avait tellement bavé devant la vitrine que la jeune femme n'avait pas pu le lui refuser et, à son anniversaire suivant, il avait enfin l'objet de ses convoitises dans les mains. L'instrument était splendide. Il était principalement blanc mais des partitions noires semblaient s’enchevêtrer un partout, comme un torrent mélodieux que nul ne pourrait refréner. Loévan attrapa son instrument avec précautions avant de s'installer sur le kiosque. Il frotta un peu ses cordes et accorda sa guitare. Le jeune garçon était vraiment attentionné et cela avait toujours eu le don de faire plaisir à la jeune femme. À vrai dire, elle aurait été vexée s'il n'avait pas fait attention à son cadeau.
- Tu vas avoir un sacré public, le prévint Harya. La nouvelle promotion va commencer sa formation dans quelques jours. Tu vas leur faire un chouette accueil ! - Tu crois ça ? Rigola Loévan. Je vais faire mon mieux, alors ! - Tu n'as jamais eu besoin d'un événement particulier pour faire attention et jouer à merveille... - C'est vrai que toi... - Oh, ça va, grommela Harya en détournant la tête.
Harya ne savait pas du tout jouer de la musique. Elle avait bien essayé une fois, encouragée par Loévan, mais il avait fallu se rendre à l'évidence ; si elle avait un quelconque talent artistique, il se cachait ailleurs. La jeune femme se concentra un peu plus. Les voix qu'elle entendait étaient pour la plupart nouvelles. Il y avait bien quelques unes de ses connaissances qui s'occupaient non-loin d'elle ou des civils qui se promenaient dans le coin mais la plupart des personnes présentes étaient fraichement arrivées. Bon, c'était normal. À Eel, il fallait se présenter avant ce qu'on pouvait appeler la « Rentrée », histoire de pouvoir gérer toute l'administration qui allait avec l'adhésion des petits nouveaux. Harya se rappelait encore de son intégration dans la Garde de l'Ombre. À l'époque, c'était l'Ombre ou rien. Elle avait voulu rejoindre Nevra avec qui elle entretenait déjà une amitié solide à l'époque. Et comme qui aimait bien châtiait bien, elle avait absolument voulu le rejoindre pour lui faire payer son abandon. Mais il avait été élu chef et il s'était fait encore plus absent par la suite afin de se familiariser avec ses nouvelles fonctions. Quand il était revenu vers son amie, cette dernière s'était déjà endurcie et elle l'avait seulement sermonné avant de lui dire qu'elle était contente de le revoir.
Harya fut ramenée à la réalité par les premières notes jouées par Loévan, bien que celles-ci conviaient justement au rêve. Il avait à peine effleuré une fois les cordes que la demoiselle se fit emporter par l'histoire qu'il allait raconter. Son petit protégé avait son répertoire bien à lui mais pour un môme, il jouait bien des mélopées ensorcelantes. Plusieurs fois, Harya s'était dit qu'il devait être au moins un magicien pour arriver à un tel exploit. La mélopée envahit le kiosque central et le reste du jardin, peu à peu. C'était une mélodie tout à fait douce. Ses accords semblaient conter les merveilles du monde qu'il voyait avec ses yeux d'enfants ayant grandi un peu trop vite. Tel était le "bienvenue !" de Loévan. Il se mit même à fredonner. Ce garçon avait toujours eu des chansons sans paroles, mais ce n'était pas très grave. Parfois, quelques notes de musiques valaient tous les discours du monde.
Harya ferma les yeux et se détendit. Elle passait ses mains sur le doux pelage de son petit familier qu'elle venait d'adopter en se relaxant au rythme de la musique. Sa vue masquée, elle pouvait se concentrer sur tout le reste. Les irrégularités du duvet de Lithium, les vibrations des cordes sous les doigts exprès de son petit protégé... Même avec les yeux fermés, la jeune femme savait que tous les gens qui convergeaient jusque là s'étaient arrêtés, charmés par la petite symphonie. Du coup, quand Loévan s'arrêta de jouer et qu'Harya se focalisa de nouveau sur son environnement, elle fut à peine surprise de ressentir autant de personnes qui avaient dessiné un cercle autour d'eux. Il y avait tellement de vibrations constantes au sol qu'elle ne pouvait se tromper ; en quelques minutes, l'adolescent avait arrêté le temps et le cours de la journée de beaucoup de personnes.
- E-eh bien, souffla Loévan d'un air gêné. - C'est ça, le talent, le félicita Harya. Ton morceau était magnifique ! - Merci...
Le jeune garçon descendit de son piédestal et attrapa sa housse pour remettre son instrument dedans, gestuelle qui eut le don de faire pousser des soupirs déçus de la part de l'assistance. Visiblement, ils voulaient encore écouter un peu de sa musique.
- Une autre, une autre ! Lançait la foule, tout sourire. - J-je suis désolé, déclara Loévan, je n'ai pas l'habitude de jouer pour autant de monde...
Bien que les gens autour de lui semblaient attristés par sa décision, « Ce n'est pas grave ! » et « Tu es tellement mignon et doué ! » furent les phrases les plus récoltées par le jeune homme qui se mit à se gratter l'arrière de la tête, de plus en plus intimidé. Alors que la foule se divisait, guillerette, et que le jeune garçon rangeait son instrument, la housse lui échappa violemment des mains. Il redressa la tête et se retrouva face un homme bien portant et bien fait, mais qui avait la mine et l'odeur de quelqu'un qui aimait un peu trop l'alcool et qui avait récemment rassasié son amour.
- Une autre, gamin, on t'a dit.
Par réflexe et par crainte, le jeune Loévan se plaqua contre Harya qui plaça son bras devant lui comme pour le protéger. Elle fronça les sourcils avant de descendre à son tour du kiosque. Elle se posta devant l'homme après avoir placé Loévan derrière elle et plongea son regard vide dans le sien. Quand bien même elle était petite par rapport au badaud, elle était assez imposante. Ils n'avaient pas prononcé un mot que déjà, quelques personnes s'étaient tournées vers eux, comme attirées par l'atmosphère soudainement devenue belliqueuse.
- Ne pensez-vous pas que la musique est belle parce que jouée par de talentueuses personnes quand elles le décident ? Il vous fera une surprise plus tard en jouant à nouveau mais pour le moment, il a besoin de se reposer. - À d'autres ! Rétorqua l'homme. Qu'il joue, cet abruti de barde ! C'est son rôle.
Il gagna une moue énervée de la jeune femme aux cheveux blancs. La tension semblait monter, tant et tellement qu'elle devenait palpable.
- Il ne faudrait pas que tu me cherches de trop, toi, gronda Harya d'une voix menaçante.
L'homme baissa les yeux vers le cou de la jeune femme autour duquel le col de sa cape trônait, attaché par la broche de la Garde de l'Ombre. Il eut un sourire narquois.
- Ah, tu es déjà une Gardienne, nota-t-il. - Je n'ai jamais ressenti ta carcasse se traîner dans le coin jusqu'ici alors j'en déduis que tu es une nouvelle recrue. Nouveau et déjà pas dans les rangs, j'espère que tu sauras prendre parti de ta nouvelle éducation.
L'air arrogant d'Harya n'était pas du tout pour calmer le futur Gardien et, la boisson n'aidant pas, il se mit à grogner. Très certainement blessé dans son orgueil de jeune coq à peine sorti des jupons de sa mère et qui croit que le monde lui appartiendra bientôt, il saisit les épaules d'Harya et la toisa d'un air mauvais. La jeune femme, quant à elle, resta inflexible, sachant déjà comment cela se finirait ; il ne comprendrait rien, de toute façon, et elle devrait sévir, peu importait si elle se transformait en formatrice tyrannique aux yeux de tous ceux qui assistaient à la scène, hagards.
- Tout ça pour de la musique, cela part un peu loin, reprit Harya. - Je veux qu'il joue ! - Tu es surtout bourré. Lâche-moi et va t'calmer ailleurs. Je serais peut-être prompte à oublier ton écart. - Non ! Hurla l'homme. C'est toi qui vas te calmer ! Tu me regardes de haut, je ne supporte pas ça ! - En fait, je suis aveugle et plus petite que toi, railla la jeune femme.
À ce moment précis, l'homme eut le geste qu'il ne fallait pas ; il amorça un vif mouvement vers l'avant pour empoigner le bras de Loévan. Un petit gémissement de ce dernier renseigna la jeune femme qui abattit son coude dans le creux de celui de son adversaire pour le faire lâcher. Celui-ci couina, surpris par la réactivité de l'aînée.
- Apprends le respect, crétin ! Argua-t-elle. Tu n'es pas en position de force ! À Eel, on ne prend pas les p'tites frappes qui se font leur force alcoolisée sur les gamins.
Il allait se prendre un rapport peu élogieux, c'était décidé.
- Ton nom ? Demanda Harya. - Va te faire voir !
Malgré le temps qui passait, il ne semblait pas pouvoir cuver l'alcool qu'il avait ingéré. D'ailleurs, comment cela se faisait-il qu'il avait bu ? Il n'avait sans doute pas pu toucher aux réserves des tavernes dans le refuge car il fallait appartenir à une Garde ou présenter un justificatif d'appartenance au système d'Eel – mesure visant à ne pas se faire piller par quelques mercenaires. Soit c'était un voleur pas malin qui beuglait devant Harya, soit il avait eu la bêtise d'emmener sa propre réserve. Quel abruti. Pourtant, Harya s'efforçait de rester calme car elle savait bien ce qu'elle pouvait faire si elle s'énervait ; il serait bien comique de sermonner des jeunes gens si au final, elle ne valait pas mieux qu'eux. Mais sa réflexion l'empêcha de prévoir le coup du camp adverse et la douleur l'assaillit avant même qu'elle n'ait eu le temps de comprendre. Tandis que Loévan appelait le nom de sa bienfaitrice et qu'un soupçon d'effroi traversait la foule qui s'était amassée autour des trois jeunes gens, le bruit de verre qui se brise tirailla les tympans d'Harya. Elle comprit alors qu'il venait d'éclater sa bouteille sur son crâne. Elle chavira à la renverse, emportant Loévan dans sa chute. Il se redressa difficilement et porta son attention sur son amie.
- Ça va ? S'inquiéta-t-il.
Harya n'avait pas perdu connaissance. Elle cligna des yeux deux ou trois fois en laissant ses pupilles nacrées fureter autour d'elle. Elle se redressa finalement, la tête incroyablement lourde, à laquelle elle porta sa main gauche. Elle tâta un peu sous le regard hagard de l'alcoolique puis elle sentit sa propre main. Il y avait du sang dessus. Ses yeux s'écarquillèrent peu à peu. Doucement. Longuement. Horriblement. Son souffle se fit court tout à coup et ses viscères semblaient valser dans tous les sens. Là, elle allait perdre le contrôle, Elle l'avait déjà perdu. Là, elle...
- Je vais te tuer ! Hurla-t-elle en se redressant d'un coup.
... Ou pas. Alors que des flammes apparaissaient dans les paumes de la jeune femme – ce qui eut le don de surprendre son attaquant – un nuage noir apparut, enveloppant Harya et la figeant dans son saut véhément, ainsi que Loévan. Cette colonne sombre était vraiment impressionnante et elle figea aussi la foule, dans une certaine mesure. Le jeune homme réfractaire, quant à lui, se retrouva projeté en arrière. Il ne restait qu'une incertitude dérangeante sur l'état de Loévan et de Harya.
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Chapitre 10 ; Sermon.
Le jeune homme qui avait attaqué Harya s'était littéralement retrouvé sur les fesses, le goulot de son reste de bouteille fermement serré dans la main droite et les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. En s'attaquant à Harya, il ne pensait pas avoir à faire à de tels arcanes. Pourtant, ce n'était pas la jeune femme, la source de cette sorcellerie. Cela était venu de la foule, il l'avait vu. Pourtant, difficile de déceler qui l'avait interrompu, alors qu'il y avait autant de personnes. Autant de personnes qui l'avaient vu se ridiculiser. Puis il fut ramené à l'événement quand Nevra passa dans son champ de vision l'espace d'une seconde, le temps de disparaître dans l'épais nuage noir. Harya cligna des yeux, dubitative. Elle ne s'attendait pas à ça comme contre-coup pour avoir utilisé ses pouvoirs. Oui, Nevra l'engueulant avait de drôles d'allures de nuage noir. Bien qu'elle travaillait depuis longtemps à son service, jamais elle ne l'avait vu utiliser pareille capacité. Une seule hypothèse pour expliquer cela. Ce n'était pas Nevra. Malgré le fait que la vue de la jeune femme était malheureusement complètement occultée, elle ferma les yeux. Elle tenta d'oublier cet horrible liquide qui coulait depuis sa tempe - rien que de penser à oublier le sang, elle en avait des nausées - et se saisit de Loévan. Elle plaça la guitare sur son dos et garda Loévan dans ses bras, après s'être assurée qu'il n'écraserait pas le petit animal contre elle. Elle se baissa et couvrit la tête de son petit protégé dans ses bras. Elle ne sut pas combien de temps cela dura mais à en juger par les vibrations de plus en plus atténuées sur le sol, les gens s'éloignaient. Ah, elle distinguait la voix de Nevra qui chassait les autres désormais et l'onde magique cessa de l'entraver ; le nuage avait disparu. La jeune femme se concentra pour jauger la respiration de Nevra. Et il semblait furieux. Harya se releva, pas penaude pour autant et s'apprêtait à se justifier.
- Je sais, soupira Nevra en plaçant sa main sur le repli de sa ceinture. Cet homme avait bu. Justement, Harya, il avait bu ! Pourquoi tu n'as pas simplement pris la fuite ? - Je pensais pouvoir régler ça av- - N'ose même pas me dire "avec les mots". J'ai vu tes flammes et là est tout le problème. Tu ne maîtrises absolument pas tes flammes quand tu t'énerves, et ce depuis que je te connais !
Autant dire que cela remontait à longtemps. Depuis que la jeune femme avait une mémoire, tout ramenait à la présence des quatre chefs de garde et des corps administratifs de la garde. Depuis que la jeune femme avait une mémoire, chaque essai de manipulation de son pouvoir en situation de stress intense avait lamentablement foiré ou avait été bien laborieux. Et elle persistait encore !
- Sinon, depuis quand sais-tu user d'une magie pareille ? Demanda Harya. Je pensais te connaître par cœur. - Ce n'est pas moi qui t'ai aidée, avoua le chef des Ombres. - Où est cette personne ? - Elle s'est confondue dans la foule. Elle est prometteuse. Elle maîtrise le genre de magie idéal pour la garde qu'elle a intégré. - Ravie, cracha-t-elle.
Nevra la toisa mais n'en fit rien. Il se contenta de tourner la tête et de directement regarder une jeune fille encapuchonnée. Cette dernière eut un sursaut en sentant le regard de Nevra sur elle et fit volte-face avant de disparaître au premier tournant du refuge, ne laissant au chef des Ombres que le souvenir d'une chevelure verte. Le jeune homme fronça les sourcils avant de se tourner vers Harya et Loévan. Il eut un soupir.
- Il va falloir te faire soigner. - Je vais très b- - Il faudrait que tu te fasses soigner la tête dans bien des sens du terme, mademoiselle ! - Eh !
Pour calmer les tensions, Nevra posa sa paume sur la tête d'Harya et ne put s'empêcher de lui sourire même si cela ne servait à rien. Puis, il tourna la tête vers la nouvelle recrue qui essayait de s'en aller à quatre pattes. Fuite de courte durée puisque le chef des Ombres l'attrapa par l'arrière du col avant de le relever et de le mettre face à lui. Il flanqua son regard violacé dans le sien.
- La demoiselle t'a demandé ton nom, tout à l'heure. J'attends, déclara Nevra d'un ton menaçant. - … G-Gwenegan, balbutia l'autre qui étouffait presque sous la poigne du chef. - Très bien. Pour te féliciter de ton adhésion et de ta vivacité, on va aller voir Miiko. Harya, tu nous rejoins après avoir fait panser ta blessure.
Harya maugréa. Elle n'aimait pas les infirmeries pour sa satanée odeur de sang mêlée aux diverses odeurs de potions de soin. C'était pour elle une charcuterie déguisée, de toute façon. Toutefois, elle prit la main de Loévan auprès duquel elle s'excusa pour toute cette agitation et elle l'emmena à l'intérieur du Quartier Général, suivie de Nevra et de Gwenegan. Ils se séparèrent alors qu'Harya montait vers l'infirmerie et que Nevra embarquait le récalcitrant vers la salle du Cristal. À l'infirmerie, la jeune femme fut rapidement prise en charge et soignée, bien que l'équipe soignante y allait à tâtons avec elle. Si Harya n'aimait pas les instances médicales, elles le lui rendaient bien ; soigner Harya était une plaie en soi. La blessure n'était pas grave. Sous le regard attentif de Loévan, la jeune femme se fit poser un bandage imbibé de liquide désinfectant autour du crâne. Sa tempe, malgré la violence du choc, n'avait pas subi de gros dommages. Une fois les soins effectués et la chevelure d'Harya soigneusement nettoyée, la demoiselle décampa rapidement de cette pièce, en embarquant Loévan à sa suite.
- Désolée, ta sortie ne s'est pas très bien passée. - Non, ça va, rassura Loévan. J'ai pu jouer et tu m'as protégé. On sait que tu dois faire attention mais je sais qu'au fond de toi, tu es une personne gentille.
Harya sourit.
- Je vais te ramener à la maison.
Une fois le petit ramené à bon bord, Harya se présenta effectivement devant Miiko. Cette dernière arborait un air froid à son égard et même si elle comprenait que le fautif était avant tout Gwenagan qui était resté penaud dans un coin de la pièce, Harya eut le droit à un magnifique passage de savon.
- Tu es peut-être le meilleur élément de Nevra – ou tout du moins tu t'en approches – mais je refuse que tu te laisses aller de la sorte ! Je ne vais pas te couvrir sous prétexte que tu a six ans d'ancienneté !
En fait, ce n'était même pas ce qu'attendait la jeune femme. Son engueulade, elle la méritait et elle le savait. Elle restait néanmoins droite et inflexible, les bras croisés derrière son dos, écoutant Miiko avec attention et respect. Elle n'allait rien nier, cela servait à rien. Déjà parce qu'il y avait une bonne trentaine de personnes prêtes à témoigner contre Harya pour être sûres que jamais elle ne serait leur formatrice, et ensuite parce que cette dernière avait juste autre chose à faire. Elle avait fauté, c'était comme ça. Harya n'était pas une fuyarde. C'était l'une de ses plus grandes qualités. Finalement, après avoir proprement engueulé Harya pendant cinq minutes, Miiko soupira et lui adressa un sourire.
- Je suis néanmoins contente que tu n'aies pas été blessée. Gwenegan recevra la correction qui s'impose de ma part. Je ne peux pas tolérer un pareil comportement. Il a ramené de l'alcool, aussi. Suivant la garde qu'il intégrera suite aux tests, il recevra, je l'espère, une éducation suffisamment sévère pour lui inculquer les notions du moralement correct.
Harya hocha la tête et eut un maigre sourire. Ce n'était pas tant qu'elle voulait se moquer du petit nouveau mais la perspective qu'il se fasse dresser en bonne et due forme était assez plaisante. D'ailleurs, il ferait partie de ces petits récalcitrants de bas étage auquel Harya demande fermement de se faire vouvoyer. La plupart des gens pouvaient la tutoyer comme bon leur semblait même s'ils étaient plus jeunes ou moins expérimentés qu'eux, tant que ceux-ci restaient un tant fût peu respectueux.
- Enfin, bref, tu peux disposer, Harya, la congédia Miiko. Je ne veux plus de débordements, c'est bien clair ? - Oui, Miiko, rétorqua Harya d'une voix ferme.
Puis la jeune femme aux cheveux blancs tourna les talons et sortit de la pièce. Elle se dirigea vers sa chambre d'un pas soutenu avant de se faire embarquer par la seule personne qui pouvait le faire sans qu'elle ne le prévoie ; Nevra. Tirée par le bras, elle se mit à courir car ses petites jambes ne pouvaient pas recouvrir en une enjambée le même espace que celles de Nevra. Ce dernier la plaqua d'ailleurs contre un mur, plus loin et l'empêcha de fuir. Si bien des demoiselles auraient voulu être à la place de la jeune femme parce que c'étaient les prémisses d'un jeu lascif, Harya savait très bien qu'un tout autre dénouement l'attendait. Nevra avait encore des choses à lui dire et il n'était pas très patient.
- Écoute, Harya, commença Nevra d'une voix douce. J'ai globalement confiance en toi et en tes capacités et je sais que si tu venais à perdre Loévan, rien ni personne, pas même moi, serait capable d'arrêter ta colère, mais il serait temps que tu te détendes.
Il posa sa main sur la tête immaculée de la jeune femme et lui ébouriffa les cheveux. Malgré son regard débonnaire, il avait des vérités à lui dire et à lui faire comprendre. C'était une chose essentielle.
- Miiko t'a déjà sermonnée mais je veux vraiment te mettre en garde, ma belle. Ce que tu as failli faire aujourd'hui s'appelle un massacre et tu le sais très bien. De même, toi comme moi savons que si tu étais allée jusqu'au bout, si cette fille aux cheveux verts ne t'avait pas empêchée de faire du mal, tu aurais regretté jusqu'à la fin de ta vie d'avoir tué un homme seulement un peu trop gai et idiot. De même, cet acte t'aurait condamnée au cachot pour une longue durée, tu connais Miiko.
Elle écoutait son chef avec plus ou moins d'attention. Elle savait qu'il avait raison mais que pouvait-elle donc faire ? Le mal était déjà fait et elle veillerait déjà à faire davantage attention.
- Rien dans ton acte aurait apporté du bonheur à qui que ce soit. Même Loévan aurait été triste. Qui aurait-pu veiller sur lui si toi, tu es en prison ?
Cet argument fit mouche, en revanche. Harya tourna la tête vers son chef, subitement ravagée. Elle se mordit la lèvre inférieure, en proie à un doute profond. Ce fut une expression qui n'échappa pas au regard d'épervier du chef des Ombres.
- Mais bon, conclut-il en se redressant. Rien de tout cela ne s'est produit, tu as su te calmer et c'est très bien. Je vais retourner à mes affaires. La garde ne peut pas arriver en tête du classement toute seule ! Il faut galvaniser les troupes. Toi aussi, fais de ton mieux, Harya.
"Compris.", avait lâché Harya.
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Chapitre 11 ; L'examen des premières années.
Harya, comme beaucoup des Gardiens de sixième années, avait été mandatée pour faire passer les examens aux nouvelles recrues. Depuis l’Éclatement du Cristal, beaucoup avaient été sensibilisés pour la protection de leur monde et Keroshane ne pouvait plus gérer tout le monde qui souhaitait s'engager pour la bonne cause. Du coup, les Gardiens à partir de la cinquième année étaient réquisitionnés pour l'événement. De plus, Harya avait obtenu le rang de Formatrice, en plus d'être une Haut-Gradée de sa Garde, ce qui l'obligeait à faire passer les tests. Joie. Dans le corridor, c'était déjà le bazar. On attendait une forte affluence comme chaque année et les nouveaux examinateurs stressaient, pour la plupart. Certains demandaient conseils aux plus habitués et parfois ça tombait sur Harya qui expliquait posément mais explicitement leur devoir. L'ensemble des vingt examinateurs allait se faire répartir dans les salles et chacun aurait cinq personnes à faire passer. Ils poseraient des questions pré-établies avec des choix de réponse visant à détecter quelle garde correspondrait le mieux à chaque individu en fonction de son mental et de ce qu'il aime. Bien sûr, il faudrait noter consciencieusement les fameuses réponses. À la fin de l'entretien, l'examinateur donnerait l'affectation de la nouvelle recrue et quelques directives concernant les lieux de rassemblement de sa nouvelle garde, des informations sur le chef et sur ce qui sera attendu de la recrue. L'examen avait été revu à une version simplifiée mais non moins efficace, qui permettait de pallier aux demandes de plus en plus nombreuses. Bien sûr, il ne fallait pas penser que tous les candidats étaient admis. Il y avait quelques héros du dimanche qui pensaient pouvoir faire le bien mais pour lesquels les travers de la personnalité empêchaient toute adhésion dans le système d'Eel. Avec l'instabilité environnante, il n'était plus possible de perdre son temps avec des éléments perturbateurs, quand bien même cela désolait les deux partis.
La volonté ne faisait plus tout, quoi qu'on en dise.
Finalement, l'heure du début des épreuves arriva bien vite et la porte de la salle gardée par Harya s'ouvrit sur une première personne. Une jeune fille rousse vêtue de blanc et de rouge. Elle avait d'adorables yeux noisette et pourtant un air fermé. Elle salua le Gardien qui lui avait tendu une plume et un papier qu'elle signa, le tout avant de s'asseoir face à Harya.
- Bonjour, je suis Harya. Et toi ? - Sakura. - Enchantée. - De même. - Pouvons-nous commencer ? - Je crois que je suis là pour ça, oui.
Harya força son sourire. Elle posa ses pieds sur sa chaise, les genoux repliés contre elle, et flanqua son calepin sur ses jambes. Elle passa ses mains sur le papier pour prendre connaissance des questions, chose qui n'échappa pas à Sakura.
- Je vais faire vite, alors, assura Harya. Le moment de la journée que vous préférez ? Aube, jour, ou crépuscule ? - … Hm... Le crépuscule. - Très bien. Si tu partais pour la Forêt du Sommeil, quel objet prendrais-tu avec toi? Un melon épicé, ton courage et ton couteau, ou un oreiller ? … Ton courage et ton couteau...
Harya retint un rire. Sakura, quant à elle, répondit simplement ;
- Un oreiller. C'est sans doute mieux que de dormir par terre. Le courage, c'est bien, le couteau aussi, mais si tout le monde dort, autant juste en profiter. - Très juste, nota Harya en rapportant les réponses. Que fais-tu pendant ton temps libre ? - Je me détends en restant chez moi. - Tu tombes face à un Black Dog, que fais-tu ? Tu l'amadoues, tu fuis, tu le combats ? - Je le combats. Ça ne s'amadoue pas et ça ne se fuit pas. Il court plus vite. - Avec qui ferais-tu équipe entre un Bonnet Rouge, un Naufrageur, ou un Blemmyes. - … Disons le premier parce que je ne suis pas inspirée. - Quel est l'objet qui contient le plus de Maana ? - … De l'eau purifiée. - Ton aliment préféré ? - Le pain. Non mais c'est vraiment utile comme question ? - Quelle garde aimerais-tu rejoindre ? - Elles m'iraient toutes très bien, confia Sakura. - D'accord, la première partie est terminée. Est-ce que tu as des remarques à faire ? - Hormis le fait que ces questions sont idiotes ? - À part ça, oui. - Je maîtrise la magie. Je forme ce qu'on appelle des kekkais. - Ah, intéressant ! S'exclama Harya en prenant des notes. Autre chose ? - Non. Alors ? - Tu as le profil d'une future Gardienne de l'Ombre. - D'accord, très bien.
Le moins que l'on pouvait dire, c'était qu'elle n'était pas bien loquace. Ce n'était pas elle qui risquerait de faire foirer une mission d'espionnage parce qu'elle faisait trop de bruit.
- Tu auras rendez-vous au Labyrinthe Brumeux demain en milieu de matinée. Nous nous y retrouverons.
À l'entente de ce fait, Sakura dirigea immédiatement son regard vers la broche que portait Harya ; cet oiseau mauve sur un cercle serti d'une pierre améthyste ainsi que d'une lune... pas de doute. Mais Harya pouvait se targuer d'avoir en plus une feuille de maana accrochée à côté, symbolisant son grade supérieur.
- Je ne me suis pas faite interroger par n'importe qui, déclara la rousse. - Ce ne sont pas les feuilles qui peuvent caractériser une personne. - Un minimum, quand même...
Harya ne continua pas la conversation, préférant renseigner la jeune fille sur les prochaines étapes de son adhésion à la garde. De toute façon, elles ne partageaient visiblement le même point de vue sur l'importance des Grades et Harya ne souhaitait pas tenter de persuader la jeune fille. Finalement, elle la congédia aimablement et fit appeler la personne suivante. Ce fut une jeune fille aux yeux bleu clair et aux cheveux blancs qui entra. Elle semblait beaucoup moins sûre d'elle que ne l'était Sakura, à en juger par son pas hésitant et à ses nombreux soupirs jusqu'à ce que la jeune fille ne s'asseye. Pour la rassurer, Harya lui servit un gentil sourire et la salua.
- Bonjour, Mademoiselle, comment t'appelles-tu ? Commença Harya. - Staliane... Souffla la nouvelle candidate. Et t- et vous ? - Je me prénomme Harya. Détends-toi, tout va bien se passer. - J'ai un peu la pression. - C'est normal mais dis-toi que nous sommes tous passés par là. Si ça peut t'aider à te détendre, imagine-moi avec une tête de Crylasm, ça passera beaucoup mieux.
Il y eut un silence avant que Staliane ne se mette à pouffer. Elle s'était vraisemblablement fait l'image. Harya sourit de nouveau avant de demander doucement ;
- Pouvons-nous commencer ?
Ce fut une Staliane plus enjouée qui lui répondit qu'elle était prête. Finalement, l'examen passa rapidement. Ayant un véritable profil de jeune fille courageuse aimant rayonner en pleine journée et aimant les armes, Staliane était éligible au poste de membre de l'Obsidienne, ce qui sembla la ravir.
- Je vais pouvoir montrer ma valeur ! S'enthousiasma-t-elle. - Je ne me fais pas de soucis, confia Harya. Tu auras donc rendez-vous au Bastion demain matin aux aurores, où Valkyon et une Officière nommée Akemi t'attendront avec ta promotion. Quant aux logements, je te laisse voir avec les autres membres de la Garde. Bon séjour parmi nous. - Merci ! S'exclama Staliane avec un sourire. Je suis contente d'être passée devant une personne agréable. - C'est normal, voyons.
Staliane hocha la tête, guillerette, avant de sortir à son tour et de laisser la place à un jeune homme.
Finalement, Harya fit passer tous ses candidats et, se faisant, occupa une bonne partie de sa journée. Une fois la besogne terminée, Harya émargea sa pile de dossier et se leva remerciant les autres Gardiens qui l'avaient assistée. En fait, non seulement ils vérifiaient les identités de ceux qui passaient, mais ils veillaient à ce qu'aucun candidat n'attaque la jeune femme, quand bien même tout le monde se mettait d'accord pour dire que la demoiselle se défendait très bien toute seule. Les années passées, il y avait eu des cas où, les jeunes candidats insatisfaits avaient tenté au mieux de soudoyer les examinateurs, au pire d'attenter à leur santé. Depuis, la sécurité avait été renforcée et lesdits examinateurs s'étaient faits beaucoup plus austères à l'égard des jeunes arrivants.
- Merci, Messieurs, déclara Harya en se levant. Je vais porter les documents à Keroshane.
Les autres opinèrent du chef. On ouvrit la porte à Harya et cette dernière passa. La salle se vida rapidement. La jeune femme, les dossiers sous le bras, sortit du corridor pour rallier la bibliothèque ou l'homme se trouvait. Il se tourna vers elle et lui adressa un sourire aimable.
- Tu es vraiment rapide. Tu as bien pris l'habitude. - C'est assez plaisant, avoua Harya. Ceux que j'ai fait passer étaient très agréables. - La tendance, chez toi ? - Ombre. - Comme l'an dernier. - C'est à se demander si les gens ne répondent pas de sorte à être sûrs de s'y retrouver, du moins pour les filles. Bon, la première que j'ai fait passer semblait juste vouloir une garde, peu importe laquelle... Mais Nevra a décidément trop de succès. - De toute façon, si les gens ont arrangé leurs réponses, cela se ressentira rapidement. Ils feront des choix contradictoires et pas adaptés à leur rôle et on devra voir pour les réorienter.
Harya souffla. Keroshane avait raison sur toute la ligne. Les gens flouaient souvent leurs réponses mais ils tombaient rapidement de très haut. Le plus drôle – et le plus malheureux – étaient les profils types d'Obsidienne qui forçaient leur entrée dans l'Absynthe et autant dire que des Obsidiennes envoyés à la concoction de potions était du même niveau qu'un Alcopafel dans un magasin de verre. Parfois, il y avait des téméraires qui réussisaient à force d'efforts à mériter leur place mais cela restait relativement rare. Toutefois, beaucoup de Gardiens comprenaient la volonté des petits nouveaux d'essayer d'entrer dans la Garde qu'ils voulaient, eux-mêmes ayant été frustrés de ne pas avoir pu suivre la vocation dont ils rêvaient.
Le soir, il était temps pour les examinateurs de se retrouver, comme le voulait la coutume, à l'une des tavernes du refuge. C'était celle que fréquentait le plus souvent Harya. La jeune femme se fit payer son habituelle liqueur d'orange que la plupart des gens trouvaient infecte et s'installa à table avec les quelques autres examinateurs. Même si globalement ils étaient venus tous ensemble, il y avait toujours ces espèces de clans qui s'étaient répartis entre les tables. Harya s'était retrouvée avec Raphaëlle et Camus Eliacin qu'elle connaissait. Ce dernier était un jeune homme de cinquième année dans l'Obsidienne qui avait la force de ses compères mais une gentillesse exemplaire, bien qu'il ne parlait pas beaucoup.
- Alors, lança Raphaëlle, comme s'est passée ta première session d'examens ?
- Assez bien, je dirais, répondit Camus après une gorgée de bière chambrée. J'ai eu deux Absynthe et trois Obsidienne.
- Oh, à coup sûr, elles ont vu ton écusson et ton joli petit minois, leur choix était fait !
- Je n'espère pas, c'étaient trois garçons. Je ne suis pas de ce bord-là, désolé.
Camus était bel homme. Il avait le teint bien portant, des cheveux blond cendré qui lui tombaient à ces épaules rigoureuses, ainsi que des yeux clairs qui avaient déjà fait craquer plus d'une demoiselle au cours de sa carrière de la Garde d'Eel. Harya, la joue dans sa paume, ne put s'empêcher de sourire suite aux taquineries de Raphaëlle.
- Et toi, Harya ? S'intéressa Camus, le nez dans sa choppe.
- Surtout des jeunes filles, confia la jeune femme. Toutes très différentes. J'en ai passé une très déterminée qui se moquait de la Garde dans laquelle elle allait, tant qu'elle avait une place.
- Ca change des gamines qui veulent surtout approcher un des chefs, constata Raphaëlle en piquant un amuse-bouche. Un vrai problème, d'ailleurs.
- Il faut quand même accorder aux nouveaux le fait qu'ils sont de plus en plus nombreux depuis l'éclatement du cristal, relativisa Camus. D'ailleurs, avant ce n'étaient que des jeunes gens de dix-sept ans mais il y a de plus en plus de personnes plus âgées qui se mobilisent.
- C'est une excellente chose, commenta Harya.
- C'est sûr... Nous avons besoin de personnes motivées ! Déclara un nouvel arrivant.
C'était Nevra, accompagné d'Ezarel. Les deux tirèrent chacun un tabouret des tables voisines pour rejoindre les trois autres. Raphaëlle fit un signe de tête à son chef qui le lui rendit avec un sourire. Les deux chefs commandèrent et on leur apporta rapidement leurs boissons. Un alcool de citron pour Ezarel et une liqueur aux fruits rouges pour Nevra.
- Ca s'est bien passé, alors ? Demanda Nevra.
- Dans la globalité, oui, confièrent les trois examinateurs.
- Il y a eu des rapports ? Reprit Harya.
- Non, pas cette fois, répondit Ezarel. C'est une bonne chose de voir que ces sales mioches savent au moins rester à leurs places.
- Tu vas vite déchanter, le prévint Nevra.
- Est-ce qu'il est nécessaire de te rappeler que tu vas te coltiner la grande majorité de la gente féminine qui s'est présentée aujourd'hui ?
- Que donnent les effectifs ? Demanda Camus.
- Vingt-neuf personnes pour l'Absynthe, vingt-sept pour l'Obsidienne et trente-quatre pour l'Ombre. il y a eu quelques recalés, les informa le chef de l'Absynthe. Quelques problèmes à leur arrivée, notamment avec de l'alcool illictement introduit. Il me semble même que tu n'es pas étrangère à cette affaire, Harya.
Il ponctua sa réplique d'un petit rire.
- Tu as vraiment un caractère de feu, d'aussi loin que je te connaisse.
Harya roula des yeux en soupirant, ce qui accentua les rires de l'elfe aux cheveux bleus. Ce dernier entama sa boisson en fermant les yeux. Quand il les rouvrit, il constata enfin que sa présence, couplée à celle de Nevra, avait quelque peu évaillé les émois des personnes se trouvant dans la taverne. Il n'y avait pas que les examinateurs qui passaient un bon moment après leur labeur, il y avait une bonne partie de ceux qui se félicitaient d'avoir réussi leur examen en liquidant le reste des économies offertes par leurs parents dans la boisson. Ezarel promena son regard turquoise sur les nouvelles têtes, les jaugeant de temps en temps. Il croisa des regards et vit des sourires timides ou déterminés, ce qui l'amusa en retour. Il revint dans la conversation ;
- J'espère que cette bleusaille saura se tenir tranquille par la suite.
- Les épreuves physiques commencent dès demain, rappela Nevra. Nous serons fixés.
- Cette fois, c'est vous qui gérez les épreuves, se souvint Camus. Valkyon a choisi Akemi comme seconde.
- Il n'y a rien d'étonnant, répondit Ezarel. Elle commence vraiment à avoir de l'expérience.
- Au bout de huit ans, quand même, reprit Nevra. J'espère bien que tu la trouves expérimentée ! Elle est la meilleure dans son domaine. Limite, s'il devait arriver quelque chose à Valkyon, c'est sûrement à elle que l'on proposerait la direction temporaire de la Garde. J'estime qu'à partir de cinq ans, les Gardiens se doivent d'être irréprochables. C'est bien pour ça qu'on demande aux gens à partir de la cinquième année de faire passer les tests et qu'on leur fait passer leurs épreuves de Formateurs s'ils le demandent.
- D'ailleurs Harya, reprit Ezarel, Nevra m'a dit que c'était toi qui t'occupais des nouvelles recrues avec lui. Une grande première.
- Autant que son rôle de Formatrice soit rempli, n'est-ce pas ? Il faut qu'elle essaie.
- Quelle épreuve as-tu choisie, Nevra, d'ailleurs ?
- Oh, tu verras demain. Je ne veux pas que cela s'ébruite, répondit le jeune homme en terminant sa coupe de liqueur.
- D'ailleurs, que fait Valkyon ? Demanda Raphaëlle. Pourquoi n'est-il pas avec vous ?
- Il prépare le Bastion d'Ivoire. Je sens déjà arriver l'épreuve physique d'endurance arriver.
- Je serais curieux de voir ça, lança Camus avec un mince sourire.
- Regardez-moi celui-là faire le rigolo ! S'écria Ezarel. Toi qui as sans doute transpiré à une épreuve similaire... Tu veux voir ce que ça fait d'être de l'autre côté de la barrière, n'est-ce pas ?
- Tout à fait.
- Tu adoreras ! Je peux te le garantir.
- Tu vas prendre un assistant, Ezarel ? S'enquit Raphaëlle.
- Je ne pense pas. Cela ne sera pas nécessaire pour ce que j'ai prévu. Personne ne fera de potion demain alors je peux vous laisser une journée banalisée. Cette promotion sera composée de cruches et autres idiots persuadés d'être des dieux, très probablement aussi adroits que Jamon. Je veux vérifier quelques trucs dans un premier temps.
- De toute façon, tu as dû retenir la leçon l'an dernier.
- Ne me reparle plus jamais de ça, Nevra. J'ai cru que j'allais fermer les portes de la salle d'Alchimie définitivement à tous ces crétins. J'ai déjà du mal à accepter que les deuxièmes années touchent aux ingrédients, alors ce n'est pas pour laisser les premiers venus le faire.
- En même temps, tu n'avais pas que des lumières, l'an dernier...
- Clairement ! Honnêtement, qu'est-ce qui est dur à comprendre dans "Gaz CORROSIF des Marais" ?! CORROSIF ! J'ai failli avoir des abrutis morts !
Nevra soupira bien qu'un léger sourire transparaissait, laissant voir ses canines allongées.
- N'empêche, tu as pris une protégée en deuxième année.
- Luanore est la seule qui tient la route. Elle a un peu la tête en l'air mais elle fait de bons choix. J'ai de l'espoir.
- La petite rousse ? Se remémora Raphaëlle.
- Oui. Elle est encore un peu naïve mais elle a bon fond. C'est la plus jeune de ma Garde, alors bon...
- La clémence d'Ezarel existe donc bel et bien ! Railla Nevra en faisant un sourire carnassier.
- Ferme-la avant que je te ramène au quartier général à coups de pied dans ton arrière train.
- Tu n'oserais pas, tu aurais une horde de filles en colère à tes trousses.
- Tu détestes ça, on le sait tous les deux. Alors n'en joue pas.
Nevra eut un petit rire. En effet, il n'aimait pas tant que ça la popularité qu'il avait auprès des jeunes filles. Autant le fait en lui-même n'était pas désagréable pour l'homme à l'ego bien soigné qu'il était, autant savoir que les filles pouvaient abuser de sa confiance ou de leurs charmes certains pour se retrouver seules avec lui le débectait au plus haut point. Surtout qu'il savait que les jeunes filles qui l'adulaient sans même le connaître n'étaient que des petites poupettes superficielles attirées par son regard perçant et son sourire ravageur, ainsi que pour son corps bien taillé. Tout n'était qu'apparence et il ne supportait pas ça. C'était pour ça que depuis quelques temps, il avait juste perdu confiance envers la gente féminine. Parallèlement, c'était aussi pour ça qu'il vouait une confiance sans bornes à Harya. La demoiselle était - malheureusement, certes - aveugle, elle ne pouvait pas vouloir Nevra à ses côtés pour son apparence, quand bien même elle lui avait demandé de se décrire.
Le jeune chef de l'Ombre posa d'ailleurs son regard sur sa petite protégée et sourit en se faisant. C'était vrai qu'il pouvait lui faire confiance malgré ses colères et son manque de contrôle comme pour l'autre jour avec Loévan. Malgré tout, il était ravi d'avoir croisé la route de cette femme. Tandis qu'il réfléchissait aux circonstances de sa rencontre avec elle, il y avait dix ans de cela, il s'était machinalement mis à ébouriffer les cheveux sur le haut de son crâne.
Qu'elle avait grandi, cette gamine farouche qui ne voulait parler à personne...
- Nevra ? Appela Harya.
- Je repensais à quelle petite peste tu étais, nargua-t-il en tirant la langue sur le côté.
Il gagna une moue amusée et un sourire forcé de la part de la jeune femme, tandis qu'Ezarel commençait à les railler et à rappeler la présence des jeunes filles dans l'espoir autour d'eux.
- Tu devrais te trouver d'autres moyens pour te débarrasser d'elle que lui faire des ennemies, taquina l'elfe. Je peux te confectionner un poison si tu y tiens tant !
- N'essaie même pas, Ezarel, menaça Nevra en le grâciant d'une grande tape dans l'épaule.
Ezarel croisa les bras et sourit en les regardant tour à tour. Il savait très bien que ces deux-là étaient inséparables. Il était déjà à Eel, lui aussi, quand Harya était arrivée et il avait été le premier à remarquer que Nevra savait s'y prendre pour la faire s'ouvrir aux autres et que son ami avait enfin trouvé une jeune fille qui voulait bien passer du temps avec lui dans une autre perspective que la drague. Depuis, leur amitié ne s'était jamais altérée et Ezarel respectait bien souvent Harya pour la patience dont elle savait faire preuve pour supporter cet odieux garnement.
- Bon, conclut Nevra. Il se fait tard et j'attends de toi que tu sois en pleine forme, Harya.
- Evidemment, rétorqua-t-elle.
- Hm, je vais y aller aussi, déclara Camus. J'aimerais vraiment pouvoir sourire en regardant les p'tits jeunes galérer sur l'exercice de Valkyon. Merci pour cette soirée.
"P'tit vieux", lança Ezarel à l'attention de Camus qui s'en allait. Ce dernier, sans se retourner, fit un signe de main pour marquer la suffisance du chef de l'Absynthe et disparut derrière la porte de la taverne.
- Je te raccompagne, Raphaëlle, déclara Ezarel. Je suis de bonne humeur.
- J'vois ça, plaisanta l'Absynthe. C'est gentil, merci.
Les deux Absynthe s'en allèrent donc à leur tour, suivis de près par Harya et Nevra. Une fois les deux amis dehors, le jeune homme entoura les épaules d'Harya de son bras et l'embarqua vers le Quartier Général. Sur le chemin éclairé à la lueur d'albâtre de la lune, ils rentrèrent bras dessus bras dessous.
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A été dépossédée de tous ses biens par les mercenaires.
"Je veux que tu évolues dans la peur qu'en te retournant, tu me vois, prête à te châtier."
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Chapitre 12 ; Premiers exercices et début des épreuves.
- Bonjour à toutes et à tous ! Clama Nevra en levant les bras devant lui. Soyez bienvenue en première année au sein de la Garde de l'Ombre ! Vous êtes la relève de plusieurs générations de talentueux Gardiens et j'attends de vous que vous brilliez comme vous prédécesseurs, pour préserver la paix sur Eldarya qui en a de plus en plus besoin. D'ailleurs, en ce nom, je vous remercie déjà grandement de vous être portés volontaires pour cette tâche ardue. Vous avez d'ores et déjà gagné mon respect le plus total. Le plus dur sera de le garder. Je vous formerai et ferai de vous la nouvelle égérie de notre somptueuse Garde. Collaborons ensemble dans les meilleures conditions pour faire de la Garde de l'Ombre la meilleure des trois. Je compte sur vous.
Il ponctua sa tirade d'une révérence. Déjà, il reçut quelques applaudissements. Motivés chez les filles, respectueux chez les garçons. Nevra avait une certaine prestance, il fallait l'avouer. De plus, le discours de bienvenue était un des rôles qu'il préférait, ainsi que la surveillance de la première épreuve de l'année. Pour rajouter du cachet à son discours, il s'était perché, droit et inflexible, sur l'un des deux clochers qui servaient de soutien à la voute en vitrail de l'entrée du Labyrinthe Brumeux. Derrière cette porte aux apparats mystiques s'étendait un domaine qui méritait très bien son nom ; un grand dédale de rosiers et autres plantes synonymes de passion ou de danger où dansaient des Brumes Eternelles. Cet endroit était le repaire des Gardiens de l'Ombre, situé au fond du domaine d'Eel. Le lieu était d'une beauté fascinante et dangereuse, à l'instar du Seigneur de l'endroit, évidemment. Bien qu'habituellement tous les Gardiens de l'Ombre pouvaient se réfugier dans cet endroit où les Gardiens des autres factions n'avaient pas le droit d'entrer, ils avaient été forcés de sortir. D'abord pour saluer leurs nouveaux petits camarades, ensuite pour leur laisser le champ libre dans l'exercice.
En fait, rien de dangereux n'allait se produire mais Nevra voulait être sûr que les premières années puissent se reconnaître et ne pas se confondre avec les autres promotions et aussi que personne ne triche. Au final, seuls Harya, lui et les premières années se trouveraient dans le Labyrinthe durant les trois heures d'épreuves prévues par le jeune chef.
Il était d'ailleurs temps pour lui d'expliquer en quoi cela consisterait.
- Aujourd'hui, je vous propose une partie de cache-cache... Et ne pensez pas que je vous prends pour des gosses ! S'exclama-t-il pour rappeler à l'ordre les plus prompts à râler. Ne sous-estimez pas cet exercice ! Je ne vais pas vous demander d'élire un bouc-émissaire qui devra tous vous retrouver, non... Ce sera chacun pour sa peau !
Déjà, l'idée semblait prendre beaucoup plus d'ampleur, si bien que les premières années s'étaient faites silencieuses et avaient laissé leurs regards se nimber de concentration.
- Merci, reprit Nevra. Vous serez jugés et classés, sachez-le. Je pense que la compétition est un bon moteur pour se surpasser, tant que celle-ci est contrôlée. Aussi, vous allez chacun recevoir une petite broche que vous allez attacher sur vos cœurs, ainsi qu'une liasse de petites feuilles à votre nom.
Pendant qu'il énonçait les modalités de l'épreuve, les effets dont il parlait furent effectivement distribués par quelques Gardiens de l'Ombre. Chacun reçut dûment sa liasse de feuillets avec leur nom écrit dessus, ainsi que la broche que chacun fixa à ses vêtements au-dessus du coeur. Nevra eut un sourire.
- Votre but, vous cacher de tous les autres membres de votre garde tout en essayant de les débusquer. Vous pouvez vous déplacer comme vous le souhaiter au travers du dédale ou vous cacher dans la végétation si celle-ci ne vous paraît évidemment pas dangereuse. Quand nous sommes des espions ou des éclaireurs, il faut à tout prix masquer toute trace, que ce soient les empreintes de pas ou les tâches de sang, n'est-ce pas ?
Les têtes furent hocheées dans un mouvement unique et une rigueur presque militaire.
- Si vous voyez quelqu'un, vous devez le rattraper. L'appeler marcherait aussi mais je n'ai jamais vu un bon espion qui hèle ses cibles au beau milieu du terrain ennemi. La personne peut donc fuir et user de ses dons pour échapper à son adversaire. S'il se fait attraper, il devra se laisser accrocher un feuillet au nom de celui qui l'a trouvé sur la broche. À la fin de l'épreuve, nous compterons les points pour vous classer. À raison d'un point en plus pour chaque personne trouvée, et un en moins par feuillet accroché à la broche. Pour éviter toute tricherie, une fois que vous avez vu quelqu'un, vous ne pouvez plus le marquer pendant dix minutes. Aussi, je vous demanderai de marquer l'heure sur vos feuillets. Bien sûr, c'est au premier qui a vu l'autre. C'est clair ?
Les règles semblaient simples et efficaces et, au fur et à mesure que Nevra les expliquait, les jeunes gens semblaient mesurer la grandeur de la tâche qui les attendait. Chez certains, l'excitation commençait à se faire ressentir. Ces certains souriaient, désireux de foncer dans ce Labyrinthe et de réussir à la hauteur de ce qu'ils espéraient.
- Excusez-moi ! Fit une jeune fille en levant la main. Comment pourrons-nous nous nourrir et nous désaltérer durant ces trois heures d'épreuve ?
Tandis que des railleries au sujet de la probable gloutonnerie de la jeune fille se firent entendre, Nevra se tourna vers elle. Elle était de taille moyenne et avait une chevelure courte et ébouriffée. La clarté de ses cheveux blonds était travestie par des pointes vertes. Le regard de Nevra se fit un peu plus perçant. Son instinct reconnaissait la jenue femme. Ils étaient de la même espèce, à n'en pas douter... Ou tout du moins, il étaient très proches.
- Ton nom ? Demanda Nevra.
- Pitchi.
- J'apprécie ta capacité d'anticipation. Pour pousser votre instinct de survie, je vous ai demandé de ne rien prendre mais je ne suis pas non plus inconscient ; de la nourriture et de l'eau ont été dissimulées au travers du Labyrinthe. Débrouillez-vous avec ça. Si jamais vous venez à manquer de vivres pendant une mission, je veux que vous ayez la présence d'esprit nécessaire pour subvenir à vos besoins dans la nature.
C'était cohérent et intelligent, les futurs Gardiens semblaient conquis par l'idée même si cette dernière les conviait à une épreuve beaucoup plus difficile qu'un simple cache-cache. Plus ça allait et plus les Gardiens voulaient partir vers leur épreuve. Déguiser la chose en jeu était une solution brillante qui semblait déjà être populaire. Nevra sourit.
- Vous allez bientôt pouvoir partir mais avant toute chose, je voudrais que vous sachiez que deux autres Gardiens de l'Ombre seront avec vous dans le Labyrinthe.
Un silence lourd s'installa alors dans l'assistance. Les têtes se mirent à bouger, regardant tantôt à gauche, tantôt à droite. Les Gardiens se jaugeaient les uns les autres et finalement un souffle se propagea, nourri tel un torrent des chuchotements de ceux qui spéculaient. Certains pariaient sur les Gardiens qui entouraient Nevra. De toute façon, ils avaient tous compris que les deux autres Gardiens étaient des personnes beaucoup plus expérimentées.
- Il s'agira de moi-même et de...
À l'entente de ce fait, certains se figèrent ; le chef lui-même allait entrer avec eux dans le labyrinthe. Avant même de se demander que diable ferait-il là-dedans, les Gardiens avaient du mal à assimiler le fait que le chef s'y trouverait avec eux.
- Harya, peux-tu me rejoindre, s'il-te-plaît ?
Sakura releva la tête vivement. Mais oui, Harya ! Elle envoya son regard à la recherche de la chevelure blanche de cette dernière dans la foule des vétérans de l'Ombre. Pourtant, elle ne vit rien de plus que le sourire grandissant de Nevra. Elle jaugea son sourire sans comprendre mais elle se mit d'instinct sur ses gardes. Il y avait quelque chose de pas normal. Pourquoi Harya ne se montrait-elle pas ? Elle était tout à coup persuadée que cela faisait partie de l'épreuve sans qu'aucun ne fût prévenu, justement pour tester leur capacité d'improvisation.
Les deux bras légèrement tendus de chaque côté d'elle, un appui évident sur sa jambe pivot, ses sourcils froncés sur son regard concentré... rien de tout cela n'échappa à Nevra. Alors que Sakura avait complètement abandonné la quête d'un indice dans le regard éborgné du chef de l'Ombre, elle se concentra sur ses perceptions. Elle se mordit la lèvre et insulta mentalement les autres Gardiens qui attendaient, oisifs, l'arrivée d'une jeune femme qui était en apparence trop consciencieuse pour arriver en retard. Ah non, la dénommée Pitchi semblait trouver la situation bizarre aussi, puisque son regard s'était soudainement fait plus sombre. Finalement, une autre jeune fille, si bien encapuchonnée qu'elle ne pouvait voir son visage, avait posé une main contre l'arc qu'elle avait dans le dos.
Bon sang, mais qu'est-ce que c'était que cette histoire...
- Je me doutais bien que tu étais futée, fit une voix au plus près de son pavillon auditif.
Sakura fit volte-face en se baissant par réflexe et ce ne fut qu'en relevant la tête qu'elle reconnut Harya. Cette dernière arborait un sourire triomphant sur ses lèvres carmin. Les autres Gardiens s'étaient retournés aussi à l'entente de sa voix et certains avaient eu la naïveté de sursauter. Sakura soupira en fermant les yeux, prodigieusement agacée, avant de se relever et de regarder Harya de la tête au pied.
D'accord.
Il y avait une différence cruelle de niveau. Sakura savait qu'elle entendait bien mais cette femme aux cheveux blancs avait été suffisamment discrète pour se glisser dans le dos de la jeune femme te approcher ses lèvres au plus près de son oreille. Un frisson parcourut son échine.
Harya était épatante.
-Harya... Harya... Appelait Nevra.L'épreuve n'a pas commencé, encore... Ne leur fais pas peur !
- Pardonnez-moi...
La jeune femme adressa une dernière fois un sourire à Sakura avant d'avancer vers l'estrade, en plein milieu des rangs des premières années. Tout chez elle jusqu'à sa démarche respirait l'insolence. Certains jeunes hommes s'étaient retrouvés figés par la beauté diaphane de la demoiselle, tandis que d'autres voyaient leur attention accaparée par la feuille de maana qui décorait l'écusson de la Garde accrochée à sa cape autour de son cou. Une fois que la jeune femme eut rejoint Nevra en hauteur en sautant sur l'autre clocher et en prenant la même posture que son chef, ce dernier continua son discours ;
- Nous allons être des éléments de ce jeu. Evidemment, nous n'allons pas chercher à vous débusquer car la plupart d'entre vous aurait des scores négatifs sinon mais vous allez pouvoir tenter de nous avoir. Toutefois, nous n'allons pas nous cacher. Nous serons tous deux en train de marcher au hasard dans le Labyrinthe, bien visibles. Votre but nous concernant ? Tenter de nous toucher. Si vous y arrivez, vous aurez deux points supplémentaires. Si vous échouez, aucun point négatif ne sera retenu contre vous. Toutefois, le nombre de vos tentatives sera pris en compte sur votre score, sinon, ce serait trop facile. Sachez aussi que c'est vous qui devez nous toucher ; si nous vous attrapons pour vous mettre à terre, cela ne comptera pas à moins que vous vous défendiez et nous mettiez à terre à la place. Compris ?
Sakura fronça les sourcils alors qu'elle acquiesçait à l'instar des autres. Elle avait bien compris que les yeux d'Harya n'étaient pas faits pour voir. Aussi, ce n'était pas sur sa vue qu'il faudrait se focaliser. Pourtant, même si cela avait l'air d'un handicap, elle ne prenait pas les gens de l'Ombre pour des personnes suffisamment sottes pour faire d'Harya une cible facile. Il y avait quelque chose, c'était sûr. Elle serait rapidement fixée de toute façon.
Ramenée à la réalité par le claquage des mains de Nevra, elle se concentra de nouveau sur ses dires ;
- Il est maintenant temps de partir ! Déclara-t-il avec un large sourire aux lèvres. Vous disposez de dix minutes pour vous cacher dans les Ombres du Labyrinthe Brumeux. Vous ne devez user d'aucune magie pour cette épreuve, souvenez-vous-en ! À l'entente des Clochers Jumeaux, ce sera le début de la Chasse ! C'est parti !
Alors qu'il abattait sa main en avant, la trentaine de nouvelles recrues fonça vers le Labyrinthe et s'y engouffra rapidement.
Sakura se laissa devancer rapidement, essayant de se rappeler quels chemins empruntaient les autres. Toutefois, elle en prit un complètement différent, désirant s'éloigner le plus possible de toutes les personnes qui participaient. Elle posa une main sur sa broche et la serra fortement contre elle, bien décidée à la garde vierge. Elle rabattit son capuchon rouge sur la tête et s'enfonçant dans les Brumes du dédale.
Pendant les dix minutes, chaque Gardien oeuvra à se trouver un bon point de départ et à se rappeler des chemins qu'il prenait. Il n'était évidemment pas question de se perdre sinon quoi son attention serait déportée sur lui-même et non la recherche des autres ou sa propre protection, ce qui serait une erreur fatale. Plus le temps passait et plus certains comprenaient que l'épreuve était vraiment beaucoup plus difficile qu'elle en avait l'air.
- Alors, prête ? Demanda Nevra.
Harya et Nevra étaient tous deux perchés sur les branches de l'Arbre Noir,en plein milieu du Labyrinthe.
- Pourquoi ne pas avoir fait ça pour mon année, plutôt qu'une épreuve de déplacement dans le noir ? L'ancien chef n'avait pas ton ingéniosité, il faut dire...
- Je dois avouer que je me suis dépassé pour cette année.
- En effet. Bon... Cela va faire dix minutes.
En effet, le son des clochers se fit entendre au loin. Harya et Nevra sourirent. Ils sautèrent de côté pour rallier le sol.